J'ai mang l'innocence - elgweb.com
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" J’ai <strong>mang</strong>é l’innocence "<br />
(Erwan Le Goffic)<br />
aller lui casser la gueule ?… c’est peut-être un peu extrême <strong>com</strong>me solution.<br />
Mais au moins essaye de briser par un moyen ou un autre cette domination qu’il<br />
a sur toi… sinon il continuera.<br />
Finalement elle avait bien une solution. Enserrant mon verre de la main, la<br />
tête baissée, les yeux fermés, j’ai ressassé ce qu’elle venait de me dire, et je suis<br />
resté <strong>com</strong>me ça, immobile pendant un moment, partagé entre réfléchir à ce<br />
qu’elle venait de me dire… et profiter de la délicieuse sensation de roulis qui<br />
berçait mon corps.<br />
— Ouais ! faut que j’lui parl’ à c’con ! m’entendis-je finalement souffler, les<br />
dents serrées.<br />
Et puis je me suis dit qu’il serait peut-être au bar attenant à l’IUT. J’ai été pris<br />
de suite d’une envie irrépressible d’aller y voir.<br />
— Ecoute Carole, j’parie qu’il est sur’ment au bar tout collé à l’IUT, alors j’y<br />
vais. Faut qu’j’lui parl’.<br />
Elle n’avait pas l’air bien rassurée.<br />
— Heu… David, tu… tu es sûr que tu es dans ton meilleur état pour…<br />
— Ouais ! Bien sûr ! Chuis p’tet un peu bourré, et alors ! C’est pas grav ‘, au<br />
contraire ! <strong>com</strong>me ça j’lui parlerai plus facil’ment… Tu vois l’alcool c’désinibe,<br />
alors ça tomb’ bien quoi.<br />
— Je t’ac<strong>com</strong>pagne alors ! a-t-elle voulu m’imposer, employant un ton décidé,<br />
le visage fermé, le regard rivé sur moi... Mais je voulais y aller seul, et rien de ce<br />
qu’elle aurait fait n’aurait pu me décider autrement.<br />
— Nan, j’y vais seul. C’est MON problem’, <strong>com</strong>me tu l’as dit t’t’à l’heur’.<br />
Elle est restée silencieuse, j’en ai profité pour vider le reste de ma pinte d’un<br />
trait. J’ai reposé le verre d’un coup sec sur la table. Le bruit que ça a produit m’a<br />
fait l’effet du coup de feu du départ pour un cent mètre… une course… ma<br />
course ! L’alcool me rendait fort, je me sentais fort !<br />
Je me suis levé brusquement, les deux mains sur la table, <strong>com</strong>me l’homme<br />
politique en appui sur son pupitre.<br />
— Allez, j’y vais.<br />
Carole n’a rien répondu.<br />
Arrivé sur la rue, j’ai plongé ma tête dans mon blouson pour m’abriter du vent<br />
le temps de m’allumer une cigarette. Je me redressai ensuite, inspirai<br />
profondément, puis écartai l’objet d’un geste rapide de la main. Attendant un peu<br />
avant d’expirer la fumée, j’appréciai l’instant : La tête me tournait, l’alcool et le<br />
tabac me berçaient, et j’allais voir Frank, j’allais pour ne plus être son<br />
divertissement à mes dépens, j’allais pour en finir avec tout ça.<br />
Et je me sentais bien, je me sentais fort.<br />
J’ai marché d’un pas décidé jusqu’au bar, je me suis dit que Frank pourrait ne<br />
pas être là-bas, mais j’ai refoulé mes craintes rapidement : de toute façon, une<br />
minute environ et j’allais être fixé.<br />
Arrivé devant la porte, j’ai jeté par terre le mégot de ma cigarette et je suis<br />
entré.<br />
Je l’ai aperçu au fond du bar, assis tranquillement sur une banquette, autour<br />
d’une table, avec trois autres de ses copains.<br />
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