J'ai mang l'innocence - elgweb.com
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" J’ai <strong>mang</strong>é l’innocence "<br />
(Erwan Le Goffic)<br />
J’étais donc vraiment content de revenir sur Nantes : Au moins ici j’étais<br />
tranquille, seul, sans personne pour me juger vingt-quatre heures sur vingtquatre…<br />
Finalement je trouvais pénible de vivre en famille ou à plusieurs, c’est<br />
vrai, jamais on ne peut se sentir tranquille, jamais on ne peut juste être soi sans<br />
réfléchir à ce qu’on dit ou fait. Non, il y a toujours quelqu’un autour de vous qui<br />
vous juge, toujours quelqu’un prêt à vous faire des remarques au moindre écart<br />
de <strong>com</strong>portement, d’idées, de parole… Si l’enfer c’est les autres, ça l’est d’autant<br />
plus quand il s’agit de la famille.<br />
Sinon je pensais à Christophe, souvent, terriblement : Christophe c’était<br />
<strong>com</strong>me un superbe gâteau qu’on m’avait mis sous le nez alors que j’étais en<br />
train de crever de faim, et à peine avais-je eu le temps de le voir qu’on me<br />
l’enlevait d’un coup pour me dire « on te le ramène dans deux mois ». Alors<br />
pendant deux mois je pensais au gâteau, j’y pensais tout le temps, il obnubilait<br />
mes pensées, ses formes me hantaient et je fantasmais sur le moment à venir<br />
où j’allais pouvoir le <strong>mang</strong>er. Je me voyais des fois en train de le goûter<br />
précieusement, de l’apprécier, et d’autres fois en train de réellement me bâfrer.<br />
Bref, arrêtons là la métaphore : Veuf poignet ne manquait pas d’occupation.<br />
Et vous vous demandez peut-être pourquoi je n’allais pas « me soulager »<br />
dans le milieu (milieu gay, il va de soi, vous l’aurez <strong>com</strong>pris) ? J’y pensais en<br />
effet, mais à chaque fois avant d’y aller j’hésitais, je tergiversais, je fumais clope<br />
sur clope, n’arrivant pas à déterminer si je souhaitais réellement m’y rendre…<br />
Alors je repensais à ce qui me manquait vraiment, et inévitablement me revenait<br />
ce moment magique que j’avais passé avec le vieux qui m’avait abordé au<br />
parc… Non, pas quand je l’avais cogné ! Je n’en étais quand même pas là...<br />
Mais plutôt quand lui et moi étions enlacés dans les bras l’un de l’autre, bouche<br />
contre bouche, que je sentais son corps tout contre le mien, ses bras, ses mains<br />
qui me caressaient... Ce moment, c’était lui qui me hantait, c’était ce moment<br />
que je me remémorais en boucle quand je me faisais un petit plaisir solitaire<br />
(bien sûr dans mon cinéma intérieur, je remplaçais le vieux par Christophe). Le<br />
problème, c’est que dans le milieu, je doutais fortement que je puisse retrouver<br />
cette sensualité, ce contact des corps que je recherchais tant. Et plus j’y pensais,<br />
plus je doutais, et moins j’avais envie d’aller y voir. Rajoutez là-dessus mon<br />
tabassage à l’automne passé, et vous <strong>com</strong>prendrez pourquoi je restais<br />
finalement à chaque fois chez moi.<br />
Et tout ça nous amène finalement à la pharmacie, car en dehors d’aller bosser<br />
aux cuisines du mac-do, qu’est ce que je pouvais m’emmerder ! J’avais donc du<br />
temps à revendre pour préparer ma vengeance, et disons que c’était un moyen<br />
<strong>com</strong>me un autre de passer le temps. Déjà avant de déménager, j’avais en tête<br />
de leur faire un petit cadeau de départ, alors pour m’en donner les moyens,<br />
j’étais allé à l’époque dans un « clef minute » près de la gare. J’étais reparti du<br />
magasin avec un deuxième exemplaire de la clef de ma porte d’entrée : Comme<br />
ils ne fermaient jamais la porte qui <strong>com</strong>muniquait de chez moi à leur cour<br />
intérieure, je pouvais, grâce à cette clef, entrer chez eux <strong>com</strong>me je le voulais.<br />
Et ce que je voulais, c’était Trébor : leur chien-chien, leur saleté de Yorkshire<br />
aussi puant et bruyant que ses maîtres. Je <strong>com</strong>ptais m’introduire chez eux de<br />
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