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J'ai mang l'innocence - elgweb.com

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" J’ai <strong>mang</strong>é l’innocence "<br />

(Erwan Le Goffic)<br />

— David ?<br />

J’ai réfréné une nouvelle salve d’émotions en entendant sa voix, la voix de ma<br />

mère, tellement synonyme de calme, de protection pour moi. Ça contrastait tant<br />

avec ce qui m’arrivait… J’encaissais mal.<br />

— Oui.<br />

— C’est toi ?<br />

La proprio n’avait pas dû se priver de lui dire dans quel état j’étais car la voix<br />

de ma mère était vibrante d’émotion.<br />

— Oui, c’est moi.<br />

— Mais… mais qu’est ce qu’elle vient de me dire ? Que t’est-il arrivé ?<br />

— Ben… j’ai passé la nuit aux urgences.<br />

— Aux urgences ?… C’est grave alors ?<br />

Je la sentais de plus en plus paniquée.<br />

— J’en suis sorti. Ça va quand même.<br />

— Mais elle m’a dit que tu étais défiguré !<br />

Je lançais un regard oblique et furieux à la proprio qui se tenait, sale verrue, à<br />

deux trois mètres de moi.<br />

— Non, je ne suis pas « défiguré ».<br />

— Mais elle m’a dit que…<br />

— J’ai des bleus et des bosses un peu partout, et j’ai une attelle sur le nez<br />

pour le tenir en place… Oui, ma tête me fait peur aussi, mais les médecins m’ont<br />

dit qu’il n’y aurait plus rien dans quelques semaines.<br />

— Mais <strong>com</strong>ment… qui est ce qui t’as fais ça ?<br />

— Si je le savais.<br />

— Mais c’est arrivé <strong>com</strong>ment ?<br />

Au moins vous voyez, l’avantage quand on est homo et qu’on ment à ses<br />

parents pour éviter de les mettre au courant, c’est qu’on devient forcément assez<br />

vite dégourdi dans l’art de transformer la réalité juste ce qu’il faut pour leur<br />

cacher la vérité.<br />

— Je rentrais chez moi, il devait être vers vingt et une heure trente. Je rentrais<br />

de chez un pote chez qui j’étais allé jouer un peu sur son ordi… Enfin voilà, rien<br />

de bien méchant ! C’est juste que j’ai pris une rue un peu trop déserte, que je<br />

devais avoir la gueule de l’emploi… Je suis mal tombé.<br />

— Mal tombé ? Ah ça… mais tu ne les as pas vus venir ?<br />

— Maman… Si j’avais pu… ils étaient trois.<br />

— Trois ? Oh mon dieu !<br />

Je laissai patiemment courir un blanc, <strong>com</strong>prenant que ma mère avait besoin<br />

d’un peu de temps pour digérer ce que je venais de lui dire. Elle finit par<br />

reprendre :<br />

— Mais là tu ne vas pas à l’IUT alors ?<br />

— Non, j’ai un peu plus d’une semaine d’arrêt.<br />

— Alors rentre à la maison !<br />

La proposition tombait là, abrupte, et je ne l’avais pas vraiment anticipée.<br />

C’était clair que l’idée de retourner chez ma mère, là, sans attendre, m’aurait<br />

soulagé d’une manière incroyable. Finalement j’en avais franchement besoin,<br />

viscéralement envie. Mais ça me semblait trop beau, impossible.<br />

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