J'ai mang l'innocence - elgweb.com
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" J’ai <strong>mang</strong>é l’innocence "<br />
(Erwan Le Goffic)<br />
— Ah bon ? répondis-je en forçant un peu trop l’étonnement.<br />
Il faut dire que le gars semblait bien emporté par son sujet, alors moi ça me<br />
laissait le temps de réaliser ce qui m’arrivait : J’étais en train de parler à un gars<br />
dans un bar gay… certes… mais… ça allait être quoi la suite ?<br />
Nerveusement j’ai saisi ma bière et j’en ai bu une grande goulée.<br />
— Oui, le pipeline étant enterré, je ne peux pas « surveiller » réellement l’état<br />
du tuyau. Ça, justement c’est géré par informatique, et ce n’est pas moi qui m’en<br />
occupe.<br />
— Ah…<br />
— Ce que je surveille ce sont les besoins de travaux dans le secteur : Il arrive<br />
souvent qu’il y ait des trucs à faire dans les alentours du pipeline. Là, donc, on<br />
étudie les plans pour bien vérifier que les travaux ne vont pas toucher la<br />
conduite. Ensuite, vient la partie la plus réjouissante…<br />
— Hmmm… tu attends que les travaux soient finis ? Tentais-je en réponse.<br />
— J’attends ? Oui, en quelque sorte : Je dois « surveiller » les travaux. Les<br />
gars travaillent, et moi je reste là à les regarder afin de m’assurer qu’aucun<br />
dommage ne soit fait au pipeline.<br />
— Ben dis…<br />
— Oui, ça fait marrant d’être payé à regarder les autres bosser.<br />
— Mais bon en même temps tu ne fais pas que ça toute la journée, non ?<br />
— Non, mais quand ça arrive, ça m’étonne toujours.<br />
— Hé hé…<br />
Je n’avais plus grand-chose à lui répondre, et un silence un peu embarrassant<br />
s’est installé entre nous deux. Les secondes, muettes, défilaient, et je<br />
<strong>com</strong>mençais à désespérer de trouver un sujet à lancer… Finalement il a saisi<br />
son demi de bière, l’a levé et l’a fini d’un trait : Il s’est ensuite tourné vers moi.<br />
— Ça te dirait d’aller un peu… en bas… avec moi ?<br />
Sa proposition m’a fait prendre conscience de deux choses : La première,<br />
c’est qu’il y avait donc une autre pièce en bas, et la seconde, c’est qu’au petit<br />
sourire en coin qu’il avait, on allait pas y aller pour jouer aux cartes.<br />
Bien sûr il ne savait pas que je n’avais pas d’expérience... Le lui dire ? Non !<br />
J’aurai eu l’air de quoi… Et puis à quoi bon ? N’étais-je pas venu dans ce bar<br />
pour rencontrer quelqu’un, après tout ?<br />
J’ai donc empoigné ma bière, but vigoureusement ce qu’il en restait, puis tout<br />
en posant le verre vide, je lui ai répondu un « oui, pourquoi pas » que j’ai essayé<br />
de rendre le plus dégagé possible.<br />
Parce qu’à l’intérieur de moi-même, c’était déjà pas mal la bérézina.<br />
Un léger sourire aux lèvres, il s’est levé de son siège sans me quitter des<br />
yeux. « Tu me suis ? » m’a-t-il alors dit tout en pointant du pouce l’ouverture que<br />
j’avais remarquée un peu avant.<br />
Pour toute réponse, j’ai seulement opiné de la tête : Je me sentais trop<br />
nerveux pour parler, j’avais l’impression que si je l’ouvrais, j’allais avoir la voix<br />
d’un enfant de onze ans à tel point j’avais la gorge serrée par la frousse. Je me<br />
suis levé maladroitement de mon tabouret, j’ai voulu prendre ma bière avec moi,<br />
j’ai saisi le verre et je me suis rendu <strong>com</strong>pte qu’il était vide. Alors sans rien pour<br />
me rassurer dans les mains, je l’ai suivi à l’autre bout du bar. Je ne regardais<br />
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