J'ai mang l'innocence - elgweb.com

" J’ai mangé l’innocence "
(Erwan Le Goffic)
C.V et échangeant toujours deux ou trois mots avec un manager. Bien sûr, le
peu de temps que je pouvais consacrer par semaine à mon travail les gênait,
mais j’espérais quand même pouvoir décrocher un job… Mais pour l’instant je ne
pouvais qu’espérer, puisque même après avoir fait à peu près le tour de tous les
mac-do du centre-ville je n’avais pas encore eu le moindre signe de vie en
retour.
Et je me retrouvais donc là en ce vendredi soir, à trois jours des partiels, avec
la fatigue de la semaine, la pression des examens à venir, aucune réponse pour
du boulot, et donc pour l’instant pas d’espoir de logement sympa en vue… Alors,
je me suis allumé une petite clope pour faire passer tout ça, et d’un pas
automatique je suis allé jusqu’au bassin du parc où je me suis assis sur un banc.
J’ai regardé les canards glisser sur la surface… placides, peinards : ça avait
tendance à me calmer, à m’apaiser l’esprit, j’aimais beaucoup venir là. Ma clope
au bec, je me suis dit que j’avais bien besoin de ce petit repos, avec les partiels
qui commençaient le lundi, le week-end allait être studieux. Sachant que j’avais
déjà pas mal bûché et que je me sentais déjà fatigué, ça promettait, mais bon,
j’allais prendre le temps de bien dormir, aussi je n’al…
— Bonjour, jeune homme.
Surpris, j’ai relevé la tête d’un coup. À ce moment-là, j’ai sûrement eu l’air un
peu bêta, mais je ne l’avais pas vu venir, il m’avait limite fait peur.
La première chose que je me suis dit en le voyant c’est qu’il était plutôt vieux :
Les cheveux gris-blanc et le visage plus tout jeune, il devait bien avoir dépassé
la soixantaine depuis un bon moment… Qu’est ce qu’il me voulait ?
— Heu… bonjour, j’ai répondu timidement.
Il avait les cheveux un peu clairsemés sur le haut du crâne. Quant à ses
joues, elles n’étaient pas renfoncées comme chez la plupart des personnes
âgées, au contraire, elles étaient un peu rebondies, ce qui lui donnait un air
sympa. Il portait une petite veste marron sur un polo gris, un pantalon bleu
marine qui lui remontait haut, trop haut, sur la taille, l’effet était aggravé par une
grosse ceinture beige bien visible qui tenait le tout. Au bout de ses doigts,
plusieurs bagues, et à sa main droite, il tenait une laisse, au bout de laquelle se
dandinait un petit caniche gris-blanc extrêmement moche.
— On se promène jeune homme ?
Il me souriait, ce qui aurait pu paraître gentil, mais je ressentais plutôt son
sourire comme… « coquin ». Je ne savais pas trop pourquoi, mais il me semblait
bizarre… déjà qu’il m’adressait la parole comme ça, de but en blanc… Alors il
devait vouloir quelque chose, mais quoi ?
— Heu, eh ben, je me reposais un peu, oui.
— Ah, dure journée ?
— Ben l’école… examens la semaine prochaine… tout ça…
— Je vois… et… tu venais ici que pour te reposer ?
— Pardon ?
(là j’étais surpris, je ne voyais pas ce que j’aurais pu y venir faire d’autre…
qu’est ce qu’il insinuait ?)
— Oui… venir ici pour une autre raison…
— Heu… non je ne vois pas…
131