J'ai mang l'innocence - elgweb.com
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" J’ai <strong>mang</strong>é l’innocence "<br />
(Erwan Le Goffic)<br />
sommes restés à Nantes, allant nous promener un peu partout au centre-ville,<br />
faisant du lèche-vitrine, nous arrêtant dans un bar pour boire un coup, puis<br />
enchaînant quelques parties de billard : Il y avait déjà joué un peu avec son frère,<br />
mais il avait encore du mal avec les règles, il m’a donc fallu lui les réexpliquer un<br />
peu. Mais ça ne me dérangeait pas plus que ça : Les gens dans son cas ont<br />
souvent du mal à intégrer les choses, il faut donc leur répéter souvent avant<br />
qu’ils n’enregistrent, mais une fois qu’ils ont appris, ça leur reste bien en tête. Du<br />
coup, avec quelqu’un <strong>com</strong>me Christophe, on prend vite l’habitude de<br />
réexpliquer… mais, une fois qu’il sait, il sait ! Et sur les dernières parties de<br />
billard, il <strong>com</strong>mençait à me mettre en difficulté le bougre !<br />
Bref, la journée s’est très bien passée, et même si au début j’avais dû me<br />
forcer à paraître souriant pour cacher mon mal-être, au soir j’étais triste de le voir<br />
prendre le train pour rentrer chez ses parents.<br />
Et je serais aussi tenté de dire que, malheureusement pour moi, cette journée<br />
s’est bien passée : Car en amour, qu’est ce qu’il y a de pire que les regrets ?<br />
Non ? Quand on se sépare, si c’est sans regret, c’est plus facile à digérer que<br />
quand on arrête pas de ressasser dans sa tête des « ça aurait pu », et des « si<br />
seulement ». Alors de voir <strong>com</strong>ment cette journée s’était bien passée, de voir<br />
<strong>com</strong>ment lui et moi nous nous entendions bien, je ne pouvais m’empêcher de<br />
rêver à ce que ça aurait pu être. L’amitié qu’il me donnait n’était pas assez pour<br />
moi, elle avait un goût vraiment amer, un goût d’inachevé. Il y avait ce manque :<br />
Jamais je ne pourrais caresser son corps, jamais on ne s’enlacerait, jamais on<br />
aurait une vie à deux. Et seul, allongé sur mon canapé, en ressassant tout ça,<br />
j’en avais mal au bide et mes yeux avaient tendance à prendre l’eau.<br />
Et les jours qui suivirent, tout alla de mal en pis dans ma tête.<br />
Je crois qu’on appelle ça la dépression, non ? Quand ça devient de plus en<br />
plus dur de se lever le matin, quand vous n’avez plus goût à rien, que vous<br />
<strong>com</strong>mencez à avoir un mal de chien à suivre les cours, quand vous n’avez pas<br />
plus faim que ça, quand tout vous paraît fade et sans intérêt, quand la journée<br />
vous semble un poids, et que vous n’avez qu’une envie en arrivant chez vous :<br />
boire un bon coup et aller dormir sans attendre pour oublier et échapper à tout<br />
ça.<br />
Tout me paraissait si triste, tout m’étouffait, je m’embourbais dans ma douleur,<br />
et ça <strong>com</strong>mençait à se voir. Christophe et Frank m’ont même plusieurs fois fait<br />
remarquer que je n’avais pas l’air bien, je leur ai répondu que j’avais dû chopper<br />
un mauvais truc…<br />
Les jours passaient, parfois en pleine nuit je me levais et j’allais errer dans les<br />
rues de Nantes, les mains dans les poches, la tête dans les épaules, et le cœur<br />
par terre.<br />
C’est ainsi qu’une fois, en passant devant un petit cinéma de quartier, je<br />
m’arrêtai net devant une affiche de film. Ça m’avait sauté aux yeux : L’acteur sur<br />
l’affiche avait un peu les mêmes traits que Christophe, j’ai <strong>com</strong>pris de suite qu’ils<br />
avaient en <strong>com</strong>mun la même différence… Le film s’appelait « le huitième jour ».<br />
J’ai regardé les horaires sur l’entrée du petit cinéma : Le film était sorti en salle<br />
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