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J'ai mang l'innocence - elgweb.com

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8. Calvaire<br />

" J’ai <strong>mang</strong>é l’innocence "<br />

(Erwan Le Goffic)<br />

Ça a donc <strong>com</strong>mencé avec ce satané bizutage. Je me demande vraiment s’il<br />

m’aurait fait subir tout ça si je ne m’étais pas défilé ce jour là, même si je pense<br />

qu’il se serait de toute façon intéressé tôt ou tard à mon cas : Ça avait toujours<br />

été <strong>com</strong>me ça pendant mon enfance, c’est donc que je devais avoir un truc, la<br />

gueule de l’emploi, quelque chose qui attire les « moqueries » des autres…<br />

D’ailleurs j’aimerais bien savoir ce que c’était à la fin.<br />

Ça me fait penser aux poulets… Vous vous dites que ça n’a rien à voir ? mais<br />

si : Dans le poulailler, il y a parfois une poule qui <strong>com</strong>mence à se faire attaquer.<br />

On la distingue bien vite car elle <strong>com</strong>mence à avoir le derrière de déplumé. Dans<br />

un tel cas, vous avez intérêt à l’isoler quelque part, car sinon quelques jours plus<br />

tard vous la retrouverez morte, abattue sous les picorages des autres, tout le<br />

poulailler finissant par lui asséner coups de becs sur coups de becs. Et on peut<br />

se demander ce qui fait que cette poule n’était pas acceptée, par l’un d’abord,<br />

puis par tous les autres après. Sûrement juste une différence, au départ… peutêtre…<br />

… et puis l’habitude ensuite.<br />

Après le lendemain du bizutage, quand Frank est tombé sur nous deux dans<br />

le bar, je le savais déjà : Son regard, son expression, cette espièglerie débile et<br />

vomitive que je percevais sur son visage… : Des signes annonciateurs, aussi sûr<br />

qu’un derrière déplumé de poule.<br />

D’ailleurs ça n’a pas traîné ensuite, mon problème étant que rien ni personne<br />

ne pouvait me sortir du poulailler.<br />

Sortir d’un cours et passer dans les couloirs est vite devenu… risqué : À<br />

chaque fois que je croisais ce salaud de Frank, c’était des phrases bien<br />

piquantes, du « Oh bizut ! alors on se défile toujours ?! », au « Eh bizut ! Ben<br />

pars pas <strong>com</strong>me ça ! », auquel suivait un « Oh ? Tu nous lâches ?... Ah mais<br />

non ! Tu es lâche ! ». Au début j’ai fait semblant de ne rien entendre et je passais<br />

mon chemin. Alors il me l’a dit plus fort, et ainsi de suite. C’est vite arrivé au point<br />

qu’il me gueulait littéralement ses invectives dans le couloir. Tout le monde se<br />

retournait et me regardait, tout le monde me voyait m’en prendre plein la tronche.<br />

Alors un jour il a bien fallu que je réponde :<br />

— Ta gueule…<br />

— Oh, mais il parle le bizut ?<br />

— Rah… Ta gueule !<br />

— Hein ? J’ai pas bien entendu ? ta gueule ? OH MAIS IL EST VULGAIRE EN<br />

PLUS LE BIZUT !<br />

— Bon, tu <strong>com</strong>mences à m’énerver là ! tu veux quoi ?... qu’on se tape<br />

dessus ?... c’est ça que tu veux ?<br />

— OH LE BIZUT SE REBELLE ! ATTENTION ! AYEZ PEUR !<br />

Je n’ai même pas répondu. Résigné devant tant de connerie, j’ai préféré<br />

reprendre mon chemin vers ma salle de cours, ignorant Frank qui couinait dans<br />

mon dos de ne pas partir <strong>com</strong>me ça. En regardant autour de moi, j’ai pu voir que<br />

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