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Lettres de la prison - Les Classiques des sciences sociales - UQAC

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Antonio GRAMSCI, <strong>Lettres</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>prison</strong> (1926-1937). Traduction, 1953. 20<br />

LE MOUVEMENT<br />

DES COMITÉS D'USINES<br />

Retour à <strong>la</strong> table <strong>de</strong>s matières<br />

<strong>Les</strong> masses prolétaires turinoises, tous les éléments révolutionnaires <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse<br />

ouvrière italienne, se tournèrent rapi<strong>de</strong>ment, dans un é<strong>la</strong>n spontané d'intuition prolétarienne<br />

et révolutionnaire, vers <strong>la</strong> Révolution russe, vers le bolchévisme, vers Lénine.<br />

La nouvelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> Révolution russe <strong>de</strong> mars fut accueillie à Turin, a écrit Gramsci, avec<br />

une joie in<strong>de</strong>scriptible. <strong>Les</strong> ouvriers pleurèrent quand ils apprirent que le régime tsariste avait<br />

été abattu par les ouvriers <strong>de</strong> Pétrograd. Ils ne se <strong>la</strong>issèrent cependant pas éblouir par <strong>la</strong> phraséologie<br />

démagogique <strong>de</strong> Kérenski et <strong>de</strong>s menchéviks. Lorsque, en juillet 1917, <strong>la</strong> mission<br />

militaire envoyée en Europe occi<strong>de</strong>ntale par le Soviet <strong>de</strong> Pétrograd arriva à Turin, ses<br />

membres, les menchéviks Smirnov et Gol<strong>de</strong>nberg, qui parlèrent à une foule <strong>de</strong> vingt-cinq<br />

mille personnes, furent accueillis par les cris mille fois répétés <strong>de</strong> «Vive le camara<strong>de</strong> Lénine,<br />

vivent les bolchéviks ».<br />

Gol<strong>de</strong>nberg n'était pas particulièrement bien impressionné par ce salut : il ne réussissait<br />

Pas à comprendre comment le camara<strong>de</strong> Lénine pouvait avoir acquis une telle popu<strong>la</strong>rité<br />

chez, les ouvriers <strong>de</strong> Turin. L'on ne doit pas oublier que cette manifestation eut lieu après<br />

qu'avait été étouffée l'insurrection <strong>de</strong> juillet à Pétrograd et pendant que les journaux bourgeois<br />

étaient pleins d'attaques violentes contre Lénine et contre les bolchéviks qu'il traitaient <strong>de</strong><br />

bandits, d'ambitieux, d'agents et d'espions <strong>de</strong> l'impérialisme allemand.<br />

Du début <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre italienne (24 mai 1915) jusqu'au jour <strong>de</strong> <strong>la</strong> manifestation dont nous<br />

parlons, le prolétariat turinois n'avait fait aucune manifestation <strong>de</strong> masse. La grandiose<br />

manifestation organisée en l'honneur du Soviet <strong>de</strong>s députés ouvriers <strong>de</strong> Pétrograd ouvrit une<br />

nouvelle pério<strong>de</strong> du mouvement <strong>de</strong>s masses. Un mois était à peine passé que les ouvriers <strong>de</strong><br />

Turin s'insurgèrent les armes à <strong>la</strong> main contre l'impérialisme et le militarisme italien. L'insurrection<br />

éc<strong>la</strong>ta le 23 août 1917. Durant cinq jours les ouvriers se battirent dans les rues et sur<br />

les p<strong>la</strong>ces <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville. <strong>Les</strong> insurgés qui disposaient <strong>de</strong> fusils, <strong>de</strong> grena<strong>de</strong>s et <strong>de</strong> mitrailleuses,<br />

parvinrent à occuper divers secteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville. Trois ou quatre fois ils tentèrent <strong>de</strong> s'emparer<br />

du centre <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville où avaient leurs sièges les institutions municipales et le comman<strong>de</strong>ment<br />

militaire. Mais <strong>de</strong>ux années <strong>de</strong> guerre et <strong>de</strong> réaction avaient détruit l'organisation prolétarienne<br />

qui était si forte auparavant. <strong>Les</strong> ouvriers, dix fois moins armés que leurs adversaires,<br />

furent battus. Ils avaient vainement compté sur l'appui <strong>de</strong>s soldats : ceux-ci crurent, comme on<br />

le leur insinua, que l'insurrection avait été provoquée par les Allemands.<br />

La foule dressa <strong>de</strong>s barrica<strong>de</strong>s, entoura les quartiers qu'elle occupait <strong>de</strong> haies <strong>de</strong> fil <strong>de</strong> fer<br />

barbelé parcouru par le courant électrique et repoussa cinq jours durant toutes les attaques dés<br />

troupes et <strong>de</strong> <strong>la</strong> police. Plus <strong>de</strong> cinq cents ouvriers tombèrent dans cette lutte; plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />

mille furent gravement blessés. Après <strong>la</strong> défaite les meilleurs éléments <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse ouvrière<br />

furent arrêtés et chassés <strong>de</strong> Turin. A <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> l'insurrection, le mouvement avait perdu <strong>de</strong> son<br />

intensité révolutionnaire mais les masses <strong>de</strong>meuraient comme avant orientées vers le<br />

communisme.

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