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Lettres de la prison - Les Classiques des sciences sociales - UQAC

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Antonio GRAMSCI, <strong>Lettres</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>prison</strong> (1926-1937). Traduction, 1953. 74<br />

troisième au collège <strong>de</strong> Santu Lussurgiu 1 , un bourg éloigné du mien d'environ dixhuit<br />

kilomètres et où je crois qu'il existe encore un collège municipal en vérité en fort<br />

mauvais état. Avec un autre gamin, pour arriver vingt-quatre heures plus tôt dans ma<br />

famille, nous nous mîmes en route à pied le 23 décembre après souper au lieu d'attendre<br />

<strong>la</strong> diligence du matin suivant. A force <strong>de</strong> marcher, nous avions fait <strong>la</strong> moitié du<br />

voyage sans inci<strong>de</strong>nt et nous étions arrivés en un endroit complètement désert et<br />

solitaire; à gauche, à une centaine <strong>de</strong> mètres <strong>de</strong> <strong>la</strong> route, s'allongeait une file <strong>de</strong><br />

peupliers avec <strong>de</strong>s taillis <strong>de</strong> lentisques. Et voilà qu'on nous lâchat un coup <strong>de</strong> fusil au<strong>de</strong>ssus<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> tête; <strong>la</strong> balle siff<strong>la</strong> à une dizaine <strong>de</strong> mètres au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> nous. Nous<br />

crûmes à un acci<strong>de</strong>nt et nous continuâmes tranquillement notre chemin. Un second et<br />

un troisième coup plus bas nous firent comprendre tout <strong>de</strong> suite que l'on nous prenait<br />

comme cible et alors nous nous jetâmes dans le fossé et y <strong>de</strong>meurâmes cachés un long<br />

moment. Lorsque nous voulûmes nous relever un autre coup partit et ce<strong>la</strong> pendant<br />

<strong>de</strong>ux heures environ avec une douzaine <strong>de</strong> coups qui nous suivirent, pendant que nous<br />

nous éloignions en rampant, toutes les fois que nous tentions <strong>de</strong> revenir sur <strong>la</strong> route.<br />

C'était certainement une troupe <strong>de</strong> bons vivants qui s'amusaient à nous épouvanter. Tu<br />

parles d'une p<strong>la</strong>isanterie, hein ? Nous arrivâmes chez nous tard dans <strong>la</strong> nuit, considérablement<br />

fatigués et couverts <strong>de</strong> boue. Nous ne contâmes notre aventure à personne<br />

pour ne pas effrayer nos familles. Pour notre part nous ne fûmes nullement émus<br />

puisque aux vacances du mardi gras nous refîmes notre voyage à pied et qui fut cette<br />

fois sans histoire. Et voilà ! j'ai couvert presque entièrement les quatre pages.<br />

Je t'embrasse affectueusement.<br />

Cette histoire est une histoire vraie; ce n'est en rien une histoire <strong>de</strong> brigands.<br />

1 Petite ville <strong>de</strong> <strong>la</strong> Sardaigne intérieure.<br />

ANTOINE.

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