Lettres de la prison - Les Classiques des sciences sociales - UQAC
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Antonio GRAMSCI, <strong>Lettres</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>prison</strong> (1926-1937). Traduction, 1953. 27<br />
LA CRÉATION<br />
DU PARTI COMMUNISTE<br />
Retour à <strong>la</strong> table <strong>de</strong>s matières<br />
Au second congrès <strong>de</strong> l'Internationale communiste, lorsqu'on discuta <strong>de</strong> <strong>la</strong> question<br />
italienne, Lénine déc<strong>la</strong>ra que parmi les groupes existant dans le parti socialiste,<br />
celui dont les positions fondamentales coïncidaient avec les positions <strong>de</strong> l'Internationale<br />
était le groupe <strong>de</strong> L'Ordine nuovo; dans les thèses du congrès, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>te-forme<br />
politique rédigée par Gramsci, approuvée par <strong>la</strong> section socialiste turinoise et intitulée<br />
Pour une rénovation du Parti socialiste, fut recommandée comme le document <strong>de</strong>vant<br />
constituer <strong>la</strong> base <strong>de</strong> discussion du prochain congrès du parti. Tous les problèmes<br />
inhérents à <strong>la</strong>. création en Italie d'un Parti communiste sont indiqués dans cette p<strong>la</strong>teforme<br />
d'une manière intelligible, concrète, ferme, qui ne <strong>la</strong>isse subsister aucun doute.<br />
Mais le mouvement <strong>de</strong> L'Ordine nuovo n'était pas représenté au congrès <strong>de</strong> Moscou et<br />
ce simple fait montre qu'il y avait un défaut dans <strong>la</strong> manière dont Gramsci menait <strong>la</strong><br />
lutte pour <strong>la</strong> création du parti. A première vue, ce<strong>la</strong> pourrait être interprété comme <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> timidité, <strong>de</strong> <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>stie excessives se transformant ainsi que tout excès en erreur et<br />
il y aurait dans cette explication une part <strong>de</strong> vérité. Le sérieux intellectuel, <strong>la</strong> répugnance<br />
pour toute démagogie et toute réc<strong>la</strong>me personnelle, s'unissaient chez Gramsci<br />
à une gran<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>stie qui l'empêcha <strong>de</strong> s'imposer tout <strong>de</strong> suite comme il aurait dû en<br />
tant que dirigeant. Mais l'erreur <strong>la</strong> plus grave consista dans le fait que L'Ordine nuovo<br />
ne posait pas nettement le problème <strong>de</strong> se constituer en fraction du parti socialiste sur<br />
une échelle nationale. Grand mouvement <strong>de</strong> masse à Turin, ses positions dans le reste<br />
du pays se limitaient à <strong>de</strong>s contacts personnels non organisés. De là une certaine stérilité<br />
<strong>de</strong> son action par rapport à l'action <strong>de</strong>s autres fractions du parti. <strong>Les</strong> réformistes<br />
avaient dans leurs mains l'appareil central <strong>de</strong> <strong>la</strong> Confédération du travail et <strong>de</strong>s<br />
fédérations d'industries, les coopératives, une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s municipalités et du<br />
groupe parlementaire; les centristes dirigés par Serrati avaient l'appareil du parti et le<br />
journal quotidien; les abstentionnistes avaient créé un réseau <strong>de</strong> groupes <strong>de</strong> fractions<br />
qui s'étendait à presque toute l'Italie et ils avaient <strong>de</strong> fortes bases à <strong>la</strong> direction <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Fédération <strong>de</strong> <strong>la</strong> jeunesse. Gramsci n'eut à sa complète disposition un journal quotidien<br />
que peu <strong>de</strong> mois avant <strong>la</strong> scission; lorsque. se fut créée une fraction communiste<br />
unifiée pour préparer le congrès <strong>de</strong> Livourne cette fraction se basa essentiellement sur<br />
l'organisation déjà existante <strong>de</strong>s abstentionnistes. Selon les directives données par<br />
Lénine il était nécessaire en Italie <strong>de</strong> concentrer le feu contre les centristes qui, tout en<br />
s'enivrant <strong>de</strong> phrases « révolutionnaires », prenaient sous leur protection les réformistes<br />
et paralysaient le mouvement <strong>de</strong>s masses en mettant en fait le parti au service<br />
d'une politique <strong>de</strong> col<strong>la</strong>boration avec <strong>la</strong> bourgeoisie. La scission du parti d'où sortit le<br />
Parti communiste (Livourne, 1921) fut le résultat d'une lutte particulièrement vive<br />
contre les centristes. Cette lutte exigeait l'unité <strong>de</strong> tous les groupes <strong>de</strong> gauche et