11) Brouillard au pont de Tolbiac - QueenDido.org
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— Non. Entr'aperçu. De loin. C'est tout. Bon Dieu ! f<strong>au</strong>cher un objet <strong>de</strong><br />
musée... Ça se vend, <strong>de</strong>s peintures comme ça ?<br />
— Bien sûr.<br />
— A qui?<br />
— A <strong>de</strong>s collectionneurs.<br />
— Cher?<br />
— Plusieurs millions.<br />
— Paraissez bien rencardé ?<br />
— C'est dans les journ<strong>au</strong>x.<br />
— Je me fous <strong>de</strong>s journ<strong>au</strong>x... Hep! garçon!...<br />
Il fit renouveler les consommations. Il avala la sienne d'un trait :<br />
— Je me fous <strong>de</strong>s journ<strong>au</strong>x, répéta-t-il. Mais je me fous pas <strong>de</strong> cette morue.<br />
Il me coula un regard torve. II avait déjà bu avant <strong>de</strong> monter chez Geneviève<br />
Levasseur. Il était en train <strong>de</strong> se finir.<br />
— Il f<strong>au</strong>dra vous en foutre, dis-je. Ou, en tout cas, changer vos métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />
séduction.<br />
Il grimaça. Il semblait sur le point <strong>de</strong> pleurer.<br />
— Vous coucherez avec, dit-il. Vous êtes plus vieux que moi, mais vous<br />
coucherez avec.<br />
— Tout le mon<strong>de</strong>, décidément, voulait que je couche avec. Bon, bon. On<br />
essaierait. Je ne suis pas contrariant.<br />
—... Je suis plus jeune que vous, poursuivit-il, mais je sens le vieux, moi, la<br />
vieille, la vieille pe<strong>au</strong>. Ouais, vous vous êtes pas gouré. C'est avec ça que je bouffe,<br />
moi. Des vieilles. Des vieilles pe<strong>au</strong>x, <strong>de</strong> sales vieilles pe<strong>au</strong>x toutes ridées,<br />
dégueulasses, qu'il ne f<strong>au</strong>t pas trop chahuter, elles foutent le camp <strong>de</strong> partout, ça tient<br />
avec <strong>de</strong>s épingles, <strong>de</strong> la colle, <strong>de</strong> l'onguent, <strong>de</strong> la crème <strong>de</strong> be<strong>au</strong>té. Oh ! mer<strong>de</strong> ! crème<br />
<strong>de</strong> be<strong>au</strong>té ! Crème <strong>de</strong> mocheté, oui. J'étais connu, dans le coin, il n'y a pas si<br />
longtemps. Je m'en suis tapé, <strong>de</strong>s grognasses, <strong>de</strong>s duchesses, <strong>de</strong>s marquises. De<br />
vieilles vaches qui m'habillaient, me logeaient, me nourrissaient, mais ne me filaient<br />
pas un rond, ou si peu. Et pas moyen <strong>de</strong> se farcir <strong>de</strong>s jeunes. Elles me reniflent <strong>de</strong> loin,<br />
les jeunes. Je sens la vieille barba- que. Avec du fric, encore. Mais sans fric... Je ne<br />
sais pas ce que je ferais, moi, pour me procurer du fric.<br />
Je n'allais pas lui conseiller <strong>de</strong> travailler. Je dis :<br />
— Faites un casse.<br />
— J'ai trop les jetons, dit-il, avec une sincère naïveté. Et c'est parce que j'ai<br />
toujours eu les jetons, que ces ordures <strong>de</strong> vieilles et <strong>de</strong> vieux m'ont possédé...<br />
— De vieux ?<br />
— Hum...<br />
Il me gratifia d'un regard torve :<br />
— Ça va. Je débloque.<br />
— On dirait.<br />
— Tenez, vous <strong>de</strong>vriez m'emb<strong>au</strong>cher chez vous. Ça me purifierait.<br />
— Impossible. Vous avez les jetons. Vous l'avouez vous-même.<br />
— Et après ? Qu'est-ce que ça peut foutre ? Pour poser <strong>de</strong>s questions à <strong>de</strong>s<br />
pipelettes ou suivre un bonhomme, pas besoin d'être d'Artagnan. Le boulot <strong>de</strong>