La voie dvotionnelle - Parc La Belle Idée
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<strong>La</strong> suspension du moi par le samâ<br />
Cette tentative de reconstitution du samâ est une hypothèse car bien que nous<br />
ayons des témoignages, notamment de Hallâj entrant en extase en dansant 238 , nous<br />
n’avons pas trouvé de descriptions précises du samâ datant de la période de notre<br />
étude. Nous nous sommes inspirés de témoignages plus précis mais légèrement<br />
postérieurs notamment de Majd al Dîn, fervent pratiquant du samâ.<br />
Comme nous l’avons évoqué auparavant, la voix a un fort impact émotif. Sa mélodie<br />
ou celle de la flûte pénètre dans le cœur car les modes musicaux utilisés ont un<br />
impact direct sur le plexus cardiaque. Les paroles des poésies profanes, souvent<br />
érotiques, associées aux battements du tambour, cognent dans le plexus producteur<br />
et augmentent le potentiel énergétique. 239 Le rythme en 6/8 est répétitif et donne en<br />
lui-même la sensation d’un tournoiement sans fin. Il a un impact sur le plexus solaire<br />
qui contrôle la motricité et pousse à entrer dans la danse. Cela a une forte incidence<br />
sur la respiration, sur le rythme cardiaque et donc sur les émotions. Les mouvements<br />
de tournoiements de la danse font perdre les références spatiales extérieures car la<br />
périphérie tourne sans fin. Cela amène à trouver un appui à l’intérieur, en soi-même,<br />
là où cela ne tourne pas, c'est-à-dire au centre de soi-même. <strong>La</strong> combinaison de tous<br />
ces facteurs amène à se laisser emporter par l’ivresse, à immerger en soi-même et à<br />
passer par une transe où le moi quotidien est déplacé.<br />
« L’audition détache la personne des choses externes et l’incline à accepter les<br />
lumières intérieures et les secrets. Alors souvent l’extase augmente avec<br />
l’audition, son voyage et son envol dans le monde des esprits s’accentuent. » 240<br />
Cette immersion en soi-même est accentuée par la répétition intérieure et incessante<br />
du dhikr, et la perception chaque fois plus intérieure des sons.<br />
« Le son « Huwâ » (Lui) est une pénétration de l’extérieur vers l’intérieur et il est<br />
uni avec le cœur… » 241<br />
Avec la fixation de l’attention sur le centre par la perception chaque fois plus<br />
intérieure des sons et la danse qui continue de s’exécuter machinalement, le<br />
238<br />
« J'ai vu le cheïkh Hosayn al Hallâj, au moment où l'audition d'un qârî l'avait fait entrer en extase : il<br />
dansait, ses pieds soulevés du sol, et récitait : « Quiconque a reçu confidence d'un secret, puis l'a<br />
publié... » IBN AL SÂ'Î cité dans <strong>La</strong> Passion de Hallâj, Tome III, Op.cit., p. 253.<br />
239<br />
Une courte anecdote image la traduction des stimuli dans le plexus producteur. Abdullâh Ansâri<br />
raconte : « Un jour je m’adonnais au samâ ; transporté d’émotion, je déchirai mon vêtement. En<br />
sortant du samâ, je me rendis à la mosquée. J’étais encore dans l’ivresse du samâ lorsque l’un<br />
d’eux s’approcha et me demanda : ‘Quel était ce jeune homme qui était avec toi pendant le<br />
samâ ? Comment cela ?’ lui répondis-je. Il reprit : ‘un jeune homme, portant à la main une longue<br />
tige de narcisse, se trouvait avec toi durant le samâ. Et chaque fois qu’il approchait le narcisse de<br />
tes narines, ton émotion augmentait et tes forces t’abandonnaient davantage’. Je lui dis alors : ‘Ne<br />
révèle cela à personne !’ », histoire tirée de Sufi Dance, <strong>La</strong> danse soufie, traduite par Serge de<br />
BEAURECUEIL, Journal du soufisme, volume IV, Librairie d’Amérique et d’Orient, Jean<br />
Maisonneuve successeur, Paris, 2005.<br />
240<br />
Ibid., p. 102.<br />
241<br />
Ibid., p. 102.<br />
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