Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

— Bienvenue dans le quartier. Je m’appelle Cornelia Gates Fairchild.
Ha. Pas mal comme nom, vous ne trouvez pas ?
— Tracey Candell, dis-je, après avoir considéré — puis repoussé — l’insertion de Spadolini. Je ne
sais pas pourquoi ça ne coule pas de la même façon que son nom à elle.
— Vous habitez cette rue ?
— Deux maisons plus loin. Tenez, c’est pour vous.
Elle me tend un moule à cake enveloppé de film plastique, qui, je vous prie de le croire, est
sacrément plus lourd qu’il n’y paraît.
— C’est un pain de quinoa, millet et sarrasin biologiques sans gluten.
C’est quoi ?
— Merci ! dis-je, comme si c’était exactement ce dont j’avais envie, tout en m’efforçant de ne pas
projeter mon haleine pestilentielle dans sa direction. C’est très gentil de votre part.
— Mais de rien. Vous avez des enfants ?
Elle essaie d’apercevoir l’intérieur de la maison par-dessus mon épaule.
— Oh… non. Et vous ?
— Quatre.
Quatre enfants ? Je n’aurais jamais…
— Pippa a cinq ans, Henry en a trois, Louisa deux et Aubrey a deux semaines.
Deux semaines ?
Il est impossible que cette femme ait donné naissance a) à quatre enfants et b) il y a deux semaines.
Le petit Aubrey doit être adopté. Je parie qu’ils le sont tous. Peut-être a-t-elle une famille Benetton,
comme Angelina Jolie.
Minute… est-elle Angelina ?
Difficile à dire. Elle pourrait vraiment l’être.
Elle utilise peut-être un pseudo, pour elle et les enfants. Et la joue profil bas en banlieue, loin des
regards des paparazzi.
Hé, ce ne serait pas cool si elle était Angelina Jolie et que nous devenions copines ? Raphael serait
fou. Je parie qu’il ne trouverait plus la banlieue si bourgeoise alors ! Donatello et lui chercheraient une
maison ici en moins de temps qu’il n’en faut pour dire Perez Hilton.
— Voulez-vous entrer prendre un café ?
Peut-être suis-je moi-même un peu aveuglée par le statut de star et désireuse d’occulter le fait que je
n’ai pas de café.
— Déca ?
— Non, désolée.
— Non, merci, répond-elle. J’allaite. D’ailleurs je devrais y aller. Mon mari et moi aimerions aller
à notre match de tennis avant que le bébé ne se réveille.
Ai-je bien compris ? Elle allaite, donc elle a vraiment accouché. Et deux malheureuses semaines
plus tard, dépourvue du moindre bourrelet, elle joue au tennis. Et de toute évidence, elle a une babysitter.
Je la déteste.
A moins qu’elle ne soit Angelina Jolie, auquel cas je veux devenir amie avec elle.
— Comment s’appelle votre mari ? demande-t-elle.
— Jack.
— Que fait-il ?
— Il travaille dans la pub.
Je ne parviens pas à lui retourner la question à propos de son mari. Ce n’est pas que je me moque de
son nom (elle pourrait utiliser un pseudo pour Brad aussi), ou de ce qu’il fait dans la vie — encore que
s’il ne s’agit pas de Brad, je me moque de ce qu’il fait — mais la question me semble bizarre à poser à