Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

— Non, pas juste moi. Il t’adore, Tracey.
Ouais, ouais, ouais. Mitch m’adore. S’il m’aime tant que ça, il me rendra ma liberté.
— Mais bon, nous n’allons pas déménager demain, a dit Jack, donc…
Cette interruption m’a paru de mauvais augure.
Je me suis demandé ce qu’il allait dire.
Donc Mitch aura tout le temps de s’habituer à l’ idée ?
Ou…
Donc Mitch aura tout le temps de convaincre nos futurs voisins de lui vendre leur maison ?
J’aurais dû demander à Jack de finir sa phrase, mais je n’ai pas pu m’y résoudre.
Quoi qu’il en soit, nous y voilà. En route pour notre nouvelle aventure de futurs propriétaires. Et je
ne laisserai personne jeter un froid sur cette journée parce que jusqu’ici, elle se déroule à la perfection.
J’ai été agréablement surprise par Verna, l’agent immobilier chargée de plusieurs maisons qui
m’intéressaient. Non pas qu’elle arbore un bronzage digne de Palm Beach à la mi-mars, un sweat-shirt
rose BCBG du country club local, des bijoux en or et une chevelure blonde coupée à la Jeanne d’Arc et
retenue par un bandeau noir. J’ai été surprise qu’elle nous traite avec tant de considération alors que la
plupart des annonces dans la vitrine de Houlihan Lawrence affichent un million de dollars ou plus.
Quand j’ai appelé Verna plus tôt dans la semaine, j’ai dû répondre à quelques questions — y
compris le redouté : « Quel ordre de prix envisagez-vous ? » —, mais elle ne m’a pas conseillé de
chercher plus loin dans le New Jersey.
— Venez nous voir ! s’est-elle exclamée.
Il est vrai que n’importe où ailleurs, notre ordre de prix — un demi-million de dollars
à 100 000 dollars près — nous permettrait d’acheter un palace. Dans ma ville natale, à l’autre bout de
l’Etat de New York, je ne crois même pas qu’on trouve des maisons si chères. Mais ici, l’immobilier est
à son top. Jack et moi aurons de la chance si nous trouvons quelque chose.
Glenhaven Park est la première ville que nous visitons depuis que nous avons officiellement
commencé à chercher une maison dans le comté de Westchester. Nous avons choisi Glenhaven
Park — enfin, je l’ai choisi — parce que Jack et moi avons traversé plusieurs fois la ville en nous
rendant chez sa mère et que je la trouve charmante.
J’ai toujours été frappée par sa ressemblance avec les petites villes à l’ancienne qu’on voit dans les
films. Vous savez : des rues bordées d’arbres, des trottoirs où se baladent des piétons et des enfants à
vélo ; des maisons de style victorien avec drapeaux et jardins florissants ; des écoles de briques rouges et
des églises aux clochers blancs. Dans le centre-ville, les vitrines de magasins datant des
années 1900 bordent les trottoirs pavés et au milieu s’étend un grand jardin public dont les allées
serpentent entre les arbres centenaires, les réverbères, les bancs et les statues.
A la sortie de la ville, on trouve encore des routes non goudronnées, de vieux murs de pierres
branlants, ainsi que des fermes de chevaux et de grandes propriétés.
Ici aussi, au cœur de la ville, on trouve quantité de maisons chères — un million de dollars et bien
plus. Mais la série d’annonces que j’ai entourées concernent des maisons dans notre budget et je suis
impatiente de découvrir à quoi elles ressemblent.
Notre ordre de prix nous permettrait d’acquérir sans hésiter un trois, voire un quatre pièces dans le
complexe perché sur la colline qui surplombe la ville. Mais je ne veux plus partager murs, plafonds ou
plancher avec des étrangers. Je veux une vraie maison, avec une cave et un grenier. Et aussi un garage,
une allée et une voiture à garer dedans. Je veux une boîte aux lettres plantée sur un piquet et arrondie au
sommet, dont on lève le petit drapeau rouge pour avertir le facteur qu’on a du courrier à poster. Et un
jardin avec des arbres, sans oublier un portique à balançoire. Et, oui, une fosse septique. Les chauds
après-midi d’août, je veux pouvoir sortir dans mon jardin, cueillir des tomates fraîches et du basilic pour
faire une salade, couper une brassée de zinnias éclatants de couleur et les disposer sur la table du dîner,