Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

ne le devraient. En fait, l’une d’elles, sortie de son rail supérieur, manque m’assommer quand je tente de
l’ouvrir.
Garage : taches d’huile sur la seule partie du sol visible au milieu d’un amas de meubles de jardin
cassés et d’outils de jardinage rouillés. L’odeur d’essence vous saute à la gorge. Au-dessus de nos têtes,
un trottinement pesant signale que quelque chose — un autre chat, ou Dieu sait quoi, un raton-laveur ? Un
ourson ? — se balade au-dessus.
Verna continue de souligner le potentiel de l’endroit. Je tente honnêtement de visualiser la maison
dépourvue de son bric-à-brac, des meubles atroces, des rideaux satinés bon marché, de la litière et — ah
oui — de ses deux chats noirs de mauvaise humeur qui nous observent avec méfiance et nous suivent
subrepticement de pièce en pièce.
Quand nous regagnons enfin le salon, je lance un regard à Jack par-dessus mon épaule et hausse les
sourcils. Bon ? Qu’en penses-tu ?
Jack hoche légèrement la tête. Je suppose que cela signifie : « Je préférerais endurer l’éternité parmi
les rats et les cafards, avec la famille de fous à l’étage supérieur et l’Emmerdeur Public sévissant de plus
en plus près de notre paillasson. »
J’approuve. Totalement. Verna nous guide vers la porte d’entrée, vantant une nouvelle potentialité
de la maison en désignant une étendue de béton à laquelle elle fait généreusement allusion sous le terme
de « véranda ».
L’expérience se révèle plutôt déprimante. Et il se met à bruiner dehors, ce qui n’arrange rien. Tandis
que la voiture s’éloigne, je lance un dernier coup d’œil vers la maison. Je ne doute pas qu’elle recèle un
potentiel quelconque. Quelque part.
Un acheteur débrouillard pourrait détruire l’endroit et recommencer de zéro, au milieu des
plantations matures. Mais pas nous.
Ce n’est pas tout à fait ce que nous cherchons.
C’est ainsi que je formule ma pensée à Verna lorsqu’elle veut savoir ce que nous en pensons.
— Mmm, c’est vrai que c’est un peu petit, dit-elle.
Je hoche la tête vigoureusement, comme si le problème de fond résidait dans la taille.
Alors que ce que j’ai envie de demander : « Vous auriez quelque chose qui ne sente pas le pipi de
chat à plein nez ? »
Mais qui sait ? Peut-être qu’à Glenhaven Park, nous ne pouvons pas nous offrir autre chose.
Mais si.
Nous découvrons lors de notre halte suivante que nous pouvons aussi nous offrir une sorte de ruine.
Le propriétaire a entrepris une rénovation massive qui a dû être interrompue, à moins que l’homme luimême
ait été poursuivi en justice — un truc de ce genre. Les marmonnements de Verna ne sont pas très
clairs, mais impliquent une histoire de poursuites. Peut-être a-t-il été poursuivi par les flics ou une exfemme
armée.
Enfin… l’achat de la ruine n’est pas envisageable, même si nous pouvons nous l’offrir.
Il s’avère que nous pouvons également nous offrir une cave inondée. Cette demeure victorienne de
deux étages dans un quartier sympa paraît pleine de promesses, jusqu’à ce que nous entreprenions la
descente des marches menant à la cave. Soixante centimètres d’eau, minimum.
Verna, incurable optimiste, suggère :
— Vous pourriez pomper…
Avant de surprendre l’expression de nos visages.
— Vous avez raison. Cela ne donne pas envie d’habiter ici. Changeons d’endroit.
La maison numéro quatre, autre maison basse des années 1970, est vide, donc inutile de tenter de la
visualiser sans meubles ou bric-à-brac. Mais dès que nous en franchissons le seuil, quelque chose nous
repousse.