Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

Wilma. Elle a l’air de sortir d’un catalogue, comme toujours, avec sa tenue impeccable et les
parfaits accessoires.
Zut, comment est-elle entrée ? Je suis certaine d’avoir verrouillé la porte juste avant de vérifier
l’absence de tueurs en série égarés.
Il s’avère que, quelques jours auparavant, Jack lui a fait faire une clé. Comme c’est gentil de la part
d’un fils.
Comme c’est idiot de la part d’un mari.
Il s’avère aussi que Jack vient d’appeler sa mère et l’a envoyée ici de toute urgence parce qu’il
s’inquiète à mon sujet. Comme c’est gentil de la part d’un mari. Comme c’est gentil de la part d’une
belle-mère.
Ouais, c’est ça.
Soudainement Jack et Wilma — Dieu les bénisse ! — me tapent sur le système.
— Quand j’ai vu ta voiture dans l’allée mais que tu ne répondais pas, j’ai craint le pire, me dit
Wilma.
Le pire ?
Qui serait… quoi ?
Que je me sois empiffrée d’une seconde tarte ?
Ou pendue à une corde accrochée à un arbre mature grignoté par un cerf ?
Que j’aie fui la ville dans un train de marchandises, l’augmentation de Jack en poche ?
— Ça va, dis-je à ma belle-mère. C’est vrai. Je n’avais pas envie de perdre mon job, mais en fait
j’éprouve un certain soulagement à l’idée de ne pas être obligée de me lever tous les jours à l’aube pour
me rendre à New York.
Elle acquiesce d’un air de doute. Je me demande si elle me soupçonne d’être en train de penser :
« Maintenant je peux réaliser mon plan diabolique consistant à vivre le restant de mes jours aux crochets
de ton fils qui travaille si dur. »
Non, parce que comme je l’ai dit des milliers de fois, Wilma n’est pas la belle-mère type. J’ai
l’impression qu’elle m’aime autant qu’elle aime Jack, ce qui est probablement faux, mais que j’aime le
croire.
Alors je devrais la recevoir aimablement, même si je suis aussi ravie de la voir que de sentir mon
estomac faire de nouveau des siennes.
Wilma pose avec précaution son sac de cuir rouge sur le canapé bancal — seule surface non encore
recouverte d’objets divers — et le regarde glisser aussitôt.
— Oups-là !
Elle le rattrape avant qu’il ne touche le sol.
Oups-là ?
— Donnez-le-moi, dis-je, je vais m’en occuper.
Elle me le tend et je cherche des yeux un endroit où le poser.
— Mon petit, dit-elle, tandis que j’accroche son sac à une poignée de porte, entre le déménagement,
la perte de ton travail et le souci à propos de ta maman, tout n’a pas été rose pour toi ces jours-ci. A ce
propos, comment va ta maman ?
J’explique à Wilma qu’elle est rentrée chez elle et est en passe de subir de nouveaux examens. Et
que je prévois d’aller lui rendre visite en voiture.
— Quand ?
— Cette semaine, dis-je sans réfléchir.
Après tout, qu’ai-je d’autre à faire ?
— Toute seule ?
— Oui, ça ira très bien. Ce n’est pas un trajet si terrible.