Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

ces années ?
Bien sûr que non.
Cela dit, foncer aux toilettes pour appliquer un peu de gloss et donner un coup de brosse à mes
cheveux emmêlés par le vent ne serait pas une si mauvaise idée.
Ou — puisque gloss et brosse à cheveux ne peuvent dissimuler le Vésuve en colère sur mon
menton — ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée de m’éclipser au rayon livres pour enfants, où je
sais qu’il ne mettra jamais les pieds.
Will déteste les enfants.
Je sais, c’est le genre de type sympa, n’est-ce pas ?
Que puis-je dire ? J’étais jeune, grosse et incroyablement peu sûre de moi.
— Tracey ?
Trop tard. Ses yeux gris se sont posés sur moi et s’écarquillent sous l’effet de la surprise.
— Oh, mon Dieu ! C’est vraiment toi ?
Il m’enlace avant que je n’aie pu répondre que non, ce n’est pas vraiment moi. Ce qui est tentant, car
s’il a eu besoin de poser la question, c’est qu’il trouve que j’ai changé.
Bien sûr, les gens changent en mieux — c’est d’ailleurs ce qui m’est arrivé — mais aujourd’hui, je
ne suis pas franchement à mon avantage.
Malgré tout, Will s’exclame :
— Waouh, tu es superbe !
Oh, ça va. C’est faux et nous le savons tous les deux.
— Toi aussi, Will !
Ça aussi nous le savons tous les deux.
Pourquoi ne peut-il pas apparaître bouffi, le poil grisonnant et une raie sur le côté tentant de masquer
sa calvitie ?
— On dirait que la vie conjugale te réussit, dit Will, s’adressant au bouton sur mon menton.
Il n’a jamais été du genre à ne pas remarquer un défaut.
— Oui, tout va bien. Jack et moi venons d’acheter une maison à Westchester, dis-je, comme si cela
pouvait l’intéresser.
— C’est pas vrai !
Il déplace enfin son regard de mon bouton à mes yeux. Peut-être que ça l’intéresse.
— Nous aussi !
Nous ?
Waouh !
Non seulement Will, qui a toujours professé le plus grand mépris pour la banlieue, achète une
maison à Westchester, mais en plus, Will est un nous !
Incroyable. Will est marié ?
Mais quand je lui demande : « Tu es marié ? », il secoue la tête avec dédain.
Oh, c’est vrai. Il n’a jamais cru aux « contrats » comme il aime à le dire.
— Je vis avec quelqu’un. Tu le crois ? Moi, le phobique enragé de l’engagement.
— J’ai du mal à le croire, en effet.
Je me demande s’il tient l’expression de moi — parce que je ne l’appelais ainsi que derrière son
dos. Entre autres expressions dont je doute qu’il les emploie lui-même à son sujet.
— Va comprendre. Je suppose que la clé de tout consiste à trouver la bonne personne.
— Absolument.
Apparemment, je n’étais pas cette personne — pour Will en tout cas.
Mais ça ne me dérange pas parce que lui aussi est la mauvaise personne. Qu’ai-je bien pu admirer
autrefois chez ce type ? C’est moi, ou bien il a changé ? Parce qu’il a l’air tellement…