Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

9
Demain est le jour tant attendu de la signature de l’achat de la toute nouvelle maison de nos rêves.
Aujourd’hui est le jour tant redouté de l’opération de désengorgement de notre ancien appartement
encombré.
Pour le déménagement, Jack et moi avons chacun pris deux jours de congé. Mitch voulait faire de
même, mais je l’en ai dissuadé. Ces derniers temps, il traîne chez nous encore plus souvent que
d’habitude — si c’est possible. La dernière chose dont j’ai envie est d’avoir Mitch sur les talons pendant
que je trie mes sous-vêtements et que je tente de décider ce que je garde et ce que je jette.
Séduits par l’idée d’un nouveau départ — et pour ne pas gonfler la facture de la compagnie de
déménagement en leur faisant emballer et transporter un tas de trucs inutiles —, Jack et moi avons fait le
pacte d’éliminer le moindre objet jugé non essentiel.
Une formule toute simple, non ?
Ce serait simple, si nous avions la même définition du mot essentiel.
Jack considère comme essentiel un objet sans lequel on ne peut pas vivre.
J’entends comme essentiel un objet sans lequel on ne peut pas vivre ou sans lequel on a un jour
pensé qu’on — d’accord, elle — ne pouvait pas vivre.
Ce qui s’applique, mais n’est pas limité, à des livres cornés de Judy Blume ; des cassettes de
musique datant du lycée ; des antibiotiques Cipro au cas où l’anthrax menacerait de nouveau (la date
d’expiration est 2003, mais je décide que du Cipro périmé est préférable à pas de Cipro du tout) ; un
vieux carnet d’adresses ; quantité de mini-flacons de shampooing, après-shampooing, rince-bouche, lait
pour le corps et des bonnets de douche (non, je n’utilise pas de bonnets de douche, mais on ne sait jamais,
un invité peut en avoir besoin) récupérés dans les hôtels ; trois douzaines de baguettes fournies par le
traiteur chinois encore dans leurs pochettes en papier ; deux hautes piles de boîtes de soupe chinoise en
plastique recyclable (j’ai fait une concession et jeté la troisième pile). Et plusieurs articles
vestimentaires qui, à coup sûr, vont refaire leur apparition dans Glamour incessamment. Quelqu’un veut
un caleçon ?
Cette collection exclut les souvenirs de Will McCraw — j’ai pourtant cru un jour que je ne pourrais
pas vivre sans lui.
Non seulement je ne pense plus à Will, mais je n’éprouve plus le besoin de conserver des objets qui
évoquent son souvenir alors que je n’en ai pas envie. Au fil de cette journée de tri, je jette des tas de
lettres de Will, de vieux programmes de spectacles dans lesquels il a joué (sauf la critique où il se fait
traiter de bimbo qui n’a pas eu de chance, hi ! hi !). J’ai même jeté quelques vieilles photos où j’apparais
à ses côtés. Aucune gloire à en tirer puisqu’à l’époque, je pesais vingt bons kilos de plus.
J’ai également consciencieusement jeté quantité de papiers de bonbons et chewing-gums, de