Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

— Elle n’habite pas à six cents kilomètres ?
— Presque…
— On n’est pas obligé de franchir deux chaînes de montagnes pour se rendre là-bas ?
— Si.
— Tu ne devrais pas partir seule, me dit Wilma.
— Jack ne peut pas s’absenter du boulot et je tiens vraiment à voir ma mère.
Je ne peux pas retenir une légère irritation.
— Je comprends, dit Wilma.
Elle me tapote l’épaule.
— … Je vais aller avec toi.
Les résidus de la tarte aux fraises se rappellent désagréablement à mon souvenir au fond de mon
estomac.
— Vous… allez venir ?
Elle acquiesce sans hésitation.
— Qu’ai-je d’autre à faire ?
— C’est vraiment… gentil de votre part, Wilma, mais…
Je me retiens de fermer les yeux afin de repousser l’image perturbante de ma grand-mère, en
pantalon sexy rose vif acheté chez Montgomery Ward, déposant un couvre-papier toilette crocheté par ses
soins dans les mains de Wilma.
Non, ce n’est pas mon pire cauchemar.
C’est arrivé pour de bon, à la réception de fiançailles, quelques années auparavant.
Comme toujours, Wilma s’était montrée très gracieuse, et s’était vraiment bien entendue avec ma
famille, mais… bon, elle était distraite par les autres invités. De plus, elle se trouvait sur son propre
territoire.
Parfois, j’ai du mal à l’imaginer au pays des filières pour se procurer des saucisses.
Elle a pris l’avion pour Brookside afin d’assister au mariage, c’est vrai. Mais il s’agissait d’un
mariage. Les interactions familiales informelles avaient été réduites au minimum.
— Nous allons prendre la route ensemble, entre filles, me dit-elle. Comme Thelma et Louise. Ça va
être rigolo, non ?
J’avoue n’avoir pas revu le film depuis un moment, mais Thelma et Louise ne se tuent-elles pas en
se jetant d’une falaise à la fin ?
Evidemment, avant, l’une d’entre elles couche avec Brad Pitt. Mais dans la version Tracey et
Wilma, ce ne sera pas moi, alors…
— Vous n’êtes pas obligée de m’accompagner durant ce long trajet, Wilma. Je ne plaisante pas,
c’est vraiment une longue route.
— Aucun problème. Tu ne peux pas partir seule. Je sais que Jack ne le voudra pas.
Elle a raison.
* * *
— Vas-y, me dit-il. Cela te fera du bien et tu n’as pas vu ta famille depuis des mois.
— Je sais, mais je n’aime pas l’idée de te laisser seul dans un endroit étrange.
— Je peux demander à Mitch de venir me tenir compagnie. Il me tanne à ce sujet.
Je n’en doute pas. Cela fait tout de même… combien ? Quatre jours que nous avons déménagé ?
— … Il pourra m’aider à bricoler un truc ou deux dans la maison.
Il englobe d’un geste le chaos général qui continue de nous cerner.
— … il devrait savoir quoi faire avec le canapé.