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Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

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— S’il te plaît, dis-moi que tu plaisantes.<br />

— Je plaisante.<br />

— Tu es vraiment tordante comme fille. Tu sais, j’ai parlé à ma mère tout à l’heure, elle dit qu’elle<br />

a passé un séjour merveilleux avec toi <strong>et</strong> ta famille.<br />

— Elle a dit ça ?<br />

Evidemment qu’elle a dit ça. Qu’allait-elle dire d’autre ? Wilma est une vraie lady.<br />

— Oui. Elle te rappelle aussi que les filles se produisent dans un spectacle samedi après-midi <strong>et</strong><br />

que nous sommes censés y assister.<br />

— Samedi après-midi ? Oh, non.<br />

— Oh, non, quoi ? Ne me dis pas que tu as déjà d’autres proj<strong>et</strong>s ?<br />

— Si, dis-je, saisissant l’occasion au vol, j’ai promis à Raphael de le r<strong>et</strong>rouver pour déjeuner à<br />

Manhattan. Zut.<br />

Vous pensez peut-être que je suis en train de mentir à mon mari.<br />

Je suppose qu’on peut dire ça… Mais c’est pour son propre bien, parce que je n’ose imaginer ma<br />

réaction si je dois assister à un spectacle des jumelles de la pub chewing-gum pour mon premier aprèsmidi<br />

libre après le départ de Mamie <strong>et</strong> de Stefania.<br />

— Tu ne peux pas reporter ?<br />

— Tu plaisantes ? A la façon dont Raphael se lamente de mon soi-disant abandon ?<br />

— Je suppose que non. Ce n’est pas grave. J’assisterai au spectacle avec ma mère. Sinon, quel est le<br />

programme de la visite touristique d’aujourd’hui ?<br />

— Elles veulent voir la Statue de la Liberté.<br />

— Prenez le ferry de Staten Island. Il est gratuit <strong>et</strong> vous aurez une vue superbe.<br />

— Bonne idée.<br />

Gratuit est autorisé par le budg<strong>et</strong>.<br />

Dès que nous raccrochons, je passe un coup de fil à Raphael.<br />

Après plusieurs sonneries, j’obtiens sa messagerie. Je sais très bien que Raphael vérifie toujours<br />

l’identificateur d’appel, où qu’il soit — en réunion, prise de vues, aux toil<strong>et</strong>tes — donc je comprends<br />

aussitôt qu’il filtre mon appel.<br />

— Je t’invite à déjeuner dimanche à Manhattan, tu choisis le restaurant, pas d’excuse.<br />

Non, ce n’est pas autorisé par le budg<strong>et</strong>, mais parfois il faut ce qu’il faut. J’hésite, sur le point de<br />

raccrocher, avant d’ajouter :<br />

— Tu sais que je t’adore. Encore <strong>et</strong> toujours. Quoi que tu fasses. Où que je sois. D’accord ? A<br />

samedi.<br />

* * *<br />

Mamie — qui à mon mariage portait une robe confectionnée par ses soins dans un rideau de<br />

douche — est habillée aujourd’hui d’un genre de barboteuse qui semble fabriquée dans une servi<strong>et</strong>te de<br />

bain.<br />

— C’est du tissu-éponge ? dis-je quand elle surgit vêtue ainsi.<br />

— Oui. Tu as dit de s’habiller confortablement.<br />

— Je pensais à des tennis, par exemple.<br />

Parce qu’elle est chaussée de sandales à hauts talons, parfaites pour m<strong>et</strong>tre en valeur des « belles<br />

gamb<strong>et</strong>tes » (je la cite). Elle fait bien entendu référence à ses propres gamb<strong>et</strong>tes. Qui je l’adm<strong>et</strong>s sont<br />

encore pas mal, surtout pour une femme qui a passé quatre-vingts ans, mais une femme de c<strong>et</strong> âge<br />

canonique ne devrait-elle pas les conserver — ainsi que toute autre partie de son corps — sous<br />

emballage ?

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