Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

8
Quand Kate pénètre à grands pas au Campbell Apartment — téléphone portable en main, comme si
elle venait de recevoir un appel perturbant —, il me suffit d’un regard pour savoir que la soirée, arrosée
ou pas, ne sera pas consacrée à la fête.
Du moins, pas dans notre recoin aux banquettes tapissées de rouge.
— Désolée d’être en retard.
Elle s’assied près de moi sur le canapé, en robe noire, chic et sans manche, l’esprit manifestement
ailleurs.
Son chef cuisinier a donné sa démission ? Ou Mini-Kate a occasionné des dommages corporels à sa
nouvelle nounou ?
— Ce n’est pas grave. Moi aussi j’étais en retard. Je viens d’arriver.
— Mauvaise journée au boulot ?
— Comme d’habitude.
Heureusement que je n’ai pas envie d’en parler, parce que je sens que Kate n’est pas d’humeur à me
prêter son oreille ou son épaule. Elle donne plutôt l’impression d’avoir besoin des miennes.
— Je vous sers quelque chose, mesdames ?
La serveuse s’est approchée, elle aussi en robe noire, chic et sans manches, et tout aussi distraite
que Kate.
Kate commande d’office deux prohibition punch, sans me consulter.
— En fait, je voulais un verre de vin blanc, dis-je.
— A toi, Tracey.
— Quoi… Oh.
Les prohibition punch sont tous deux pour elle, nouvelle preuve que nous ne sommes pas ici pour
fêter la Saint-Joseph ou discuter de ma nouvelle maison.
Même si en rangeant son portable dans son énorme sac signé, elle lance :
— Félicitations pour la maison. Vous devez être aux anges.
— Oui. Totalement. Nous signerons la vente le jour du Memorial Day.
Elle esquisse un sourire.
— C’est génial.
Mais je sens qu’elle ne tient pas à écouter mes projets consistant à repeindre les horribles placards
de la cuisine ou planter un jardin comme celui de ma mère.
— Je ne sais pas ce que je vais faire sans toi, dit-elle.
L’idée me traverse que c’est peut-être mon déménagement qui la met dans cet état.
Nan. Je ne crois pas que mon déménagement en banlieue constitue un problème réclamant deux