Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

pour de bon.
— Vous allez l’envoyer directement à ma nièce ? dis-je en cherchant mon porte-monnaie.
— Absolument. Dans un paquet-cadeau, bien sûr, et soigneusement emballée.
Ah ! Notez la vitesse à laquelle le ton a changé maintenant que la vente est conclue.
— Ce serait super.
— Oui, elle sera en de bonnes mains, dit la femme au chignon, ma nouvelle amie.
Je me rends compte que je n’ai plus que deux billets de cinq et quelques billets de un dollar dans
mon porte-monnaie. Je vais peut-être devoir utiliser ma carte de crédit.
— Euh, les frais d’envois se montent à combien ?
— Cent, tout rond, pour une livraison en deux jours. Vous savez quoi ? Je ne vous compte rien pour
le paquet-cadeau.
Rien pour le paquet-cadeau ?
Quelle affaire !
Cent tout rond ?
Qu’est-ce que…
Minute… Quoi ?
— Cent dollars ? dis-je, incrédule à l’idée que les frais d’envoi se montent à dix fois le prix de la
poupée elle-même. Je, euh, la livraison en deux jours est inutile. L’anniversaire de ma nièce n’est
qu’en…
Je m’interromps. Une pensée atroce vient de me traverser l’esprit.
Elle a dit sept quatre-vingt-dix-neuf ?
Ou sept cent quatre-vingt-dix-neuf ?
Dollars. Des centaines de dollars.
Oui. C’est ce que je crois.
Mais je ne me résous pas à le lui demander, maintenant que nous sommes amies et tout.
— A la réflexion, vous savez quoi ? dis-je d’une voix suave, comme si je venais d’avoir une
meilleure idée.
Une idée autre que claquer presque mille dollars, là, maintenant, en cinq secondes.
— … je crois que je vais attendre que l’anniversaire de ma nièce soit plus proche.
La vendeuse paraît légèrement déçue.
— A quelle date est son anniversaire ?
Je mens :
— En octobre.
— Cela ne pose aucun problème. Je vais la tenir prête et l’expédier au moment que vous choisirez.
Ce sera en liquide ou en carte de crédit ?
Bien joué de sa part. Ai-je l’air du genre de personne qui se promène avec sept cent quatre-vingtdix-neuf
dollars, plus TVA, plus frais d’envoi, en liquide ?
Je me dirige déjà à reculons vers la porte.
— Vous savez quoi ? Je repasserai…
Jamais.
Je glisse un dernier regard vers la poupée, un regard d’excuse. J’avais mal interprété son
expression.
Sarcastique, elle me dit maintenant : D’abord, je n’avais pas envie de vivre dans la maison nulle
de ta nièce.
Elle parle avec l’accent français. Et a des dents de vampire.
J’envisage de reprendre la voiture et de rentrer directement à la maison afin de me complaire dans
mon malheur et déballer des cartons, mais je décide que c’est trop déprimant.