Talons aiguilles et peinture fraîche (Harlequin Red Dress Ink) - Free

C’est une nuit chaude. On entend les crickets, et dans le lointain, le son du train de nuit grondant vers
New York.
Au clair de lune, je creuse le sol humide, granuleux, près de la porte de derrière, et crée un carré de
jardin.
Tandis que je creuse, une riche odeur de terre emplit l’air. Elle me fait penser aux nuits de
printemps lorsque j’étais enfant, juste avant la fin de l’école, quand mon frère Joey et moi cherchions des
vers, afin de les donner à mon père pour la pêche. Ma mère nous appelait encore et encore. Je me
souviens de sa voix, d’abord agacée, puis inquiète, qui résonnait dans la nuit. Elle nous obligeait à
prendre un bain avant d’aller au lit, et l’eau sale laissait autour de la baignoire un dépôt qui la faisait
soupirer et qu’elle récurait une fois que nous étions couchés. Quand mon père rentrait à la maison le
lendemain, avec du poisson fraîchement pêché dans les eaux du lac Erie, elle le faisait frire pour le dîner.
Le lac Erie. Dans mon souvenir, le poisson était d’un vert phosphorescent, mais à l’époque on ne
s’inquiétait pas de ce genre de choses.
Je soupire au souvenir de la maison.
Puis j’ouvre soigneusement chaque sachet de graines et les sème toutes dans la terre. Je couvre le
tout d’une nouvelle couche de terre, la tasse avec mon talon et me recule pour contempler mon œuvre.
Je n’ai aucune idée de ce que je viens de faire, ni de pourquoi je l’ai fait.
Tout ce que je sais, c’est que je me sens bien de l’avoir fait.