Cartographie des OSC

Il est d'importance primordiale que la société civile mauritanienne puisse s'expérimenter dans un nouveau
positionnement stratégique dans le cadre d'une situation sociale critique qui ne laisse pas le Pays à l'abri du
radicalisme et de la résurgence des conflits. Pour sortir de ce rôle passif, il est fondamental que la société civile
puisse retrouver une confiance en ses propres capacités d'intervention vis-à-vis des enjeux qui l'interpellent.
Il s'agit en d'autres termes pour la SC mauritanienne de canaliser son potentiel à travers les milliers d'initiatives
à l'échelle nationale ainsi qu’à l'échelle territoriale pour redynamiser les actions en matière de gouvernance, à
travers également un support à des acteurs incontournables comme les organisations de la jeunesse et les
acteurs du mouvement coopératif en milieu rural.
La question fondamentale n’est donc pas celle de s’interroger, comme certains partenaires techniques et
financiers le font, s’il existe une société civile en Mauritanie mais plutôt quel est son rôle et sa place dans le
pays. Dans ce sens, il est fondamental que la stratégie d'appui à la société civile reconnaisse son droit à exprimer
son agenda pour mieux jouer son rôle de partenaire au développement et non seulement celui de prestataire de
services.
3.4. Deux sociétés civiles qui se tournent le dos
Il existe en Mauritanie deux sociétés civiles dont la ligne de séparation est perçue par certains observateurs,
c'est-à-dire une société civile arabophone et une société civile francophone.
D'un côté, il existe une société civile arabophone composée de toute une série d'acteurs tournés vers les pays
du Golfe ou des bailleurs de fonds tels que la Banque Islamique de Développement, le Fonds Saoudien, le Fonds
Koweitien ou d’autres institutions arabes similaires dont elle tire d’importants financements 20 . Cette société se
focalise sur l’action de bienfaisance ou la construction d’infrastructures religieuses ou le soutien aux écoles
d’enseignement coranique. Il s'agit d'organisations de la SC souvent moins structurées comme certaines
organisations de base, des organisations de quartier et des organisations informelles ou des organisations
religieuses qui vivent autour des mosquées. Ces organisations sont d'habitude très peu visibles et n'adhérent pas
aux organisations faîtières traditionnelles nationales mais plutôt à des réseaux internationaux de bienfaisance.
Ces OSC jouissent d'habitude des financements d'organisations internationales de bienfaisance des Pays du
Golfe à travers des créneaux informels. Ce phénomène est suivi de manière assez rapprochée par les autorités
mauritaniennes à travers la Direction Nationale de la Société Civile 21 . Il convient de rappeler que les ONG
islamiques internationales ont toutes et sans exception été interdites et leurs bureaux fermés d'autorités en mai
2003 dans le cadre d'une campagne anti-islamiste 22 . L'interdiction des ONG internationales et de la plupart des
ONG locales qui leur servaient de relais n'a pas mis un terme à leur activité mais l'a rendue parfois plutôt
incontrôlable et clandestine 23 . Ces ONG échappaient souvent au contrôle de l’Etat, car elles étaient souvent
informelles avant d’être soumises à des restrictions depuis quelques années dans le cadre de la prévention des
actes terroristes.
En effet comme le démontre le graphique suivant, il y a une forte coopération des Pays Arabes envers la
Mauritanie.
20 La coopération culturelle et économique de la Mauritanie avec les Pays du Golfe a une histoire assez longue commencée à la fin
des années 60 et 70, et surtout avant la Guerre du Golfe où les rapports économiques de la Mauritanie avec l'Arabie Saoudite et le
Koweït étaient financièrement exceptionnels. En 1985-1988, ces deux Pays sont les principaux partenaires financiers en termes
d'investissements étrangers avec respectivement 45% d'apport de capitaux étrangers pour l'Arabie Saoudite et 16% pour le Koweït.
C'est à partir de 1997 que la coopération entre la Mauritanie et les Pays du Golfe reprend comme le témoigne l'aide de 3,5 million
de dollars accordée dès novembre 1997 pour la production d'énergie hydroélectrique et la réhabilitation du réseau routier. En
parallèle, des organisations internationales de bienfaisance sont actives à travers des créneaux informels (L'Afrique politique 2002,
Islam d'Afrique : Entre le local et le Global ; Edition Karthala 2002).
21 Entretien avec M. Mohamed Horma Babana (Directeur des Relations avec la société civile).
22 Réné Otayek, Benjamin F. Soares : "Islam, état et société en Afrique" page 11 ; Institut d'études politiques de Bordeaux.
23 Selon Réné Otayek, Benjamin F. Soares "la cible de ces fonds sont les harratines (anciens esclaves) de la vallée du fleuve Sénégal.
Les fonds financent des ouvrages communautaires comme des puits ou sont utilisés pour faire du prosélytisme avec pour cibles les
plus défavorisés".
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