MÉMOIRE - Laure Botella

CHAPITRE 2. L’UTILISATION DES CRITIQUES, DES INJURES ET DES
DIFFAMATIONS À DES FINS POLITIQUES : DU MOYEN ÂGE AU XX E SIÈCLE
« Il est difficile de déterminer le point d’inflexion à partir duquel les informations et les
avis deviennent des opinions, puis le passage des relations interpersonnelles et privées
à la sphère du public, et enfin, comment cet “esprit public”, fait de l’air du temps, devient
une “opinion publique”. »
Cette phrase, pourtant tellement d’actualité, est extraite du livre « Les rois de papier » d’Annie
Duprat 66 . Elle parle de l’« opinion commune » du peuple, aujourd’hui connue sous le terme
d’« opinion publique », vis-à-vis des familles royales. Dans ce livre, elle décrit également de quelle
façon les « papiers » écrits contre les rois ont pu nuire à l’image de ces derniers dans l’opinion
commune, avec des pamphlets qui « circulent parfois en forme de dialogue, demandant des réponses
ou se présentant comme des réponses à d’autres textes » 67 .
Mais cette phrase pourrait également s’appliquer aux critiques et injures subies, entre autres, par
Simone Veil puis Edith Cresson.
Si le sujet englobe ici près de huit siècles d’histoire de critiques, injures et diffamations, il ne s’agit
évidemment pas d’en aborder l’ensemble de façon exhaustive. Nous aurions pu parler des journaux
satiriques tels que « L’assiette au beurre » ou « La chandelle », de la seconde guerre mondiale et
des journaux de la résistance. Nous aurions également pu décrire les raisons du suicide de Roger
Salengro ou plus récemment l’affaire du sang contaminé qui a nui à la carrière de Laurent Fabius.
Nous avons préféré opter pour quelques cas qui nous semblaient illustrer, voire apporter des
réponses, positives ou négatives, à nos hypothèses. Ainsi, nous verrons qu’à travers les siècles, les
accusations, injurieuses ou non, restent semblables.
Dans un premier temps, nous aborderons l’histoire tragique du pape Boniface VIII et de sa querelle
avec le roi Philippe le Bel. Nous verrons ensuite les similitudes avec les accusations portées envers
le roi Henri III, puis la reine Marie-Antoinette. Dans un second temps, les injures et diffamations
seront vues sous l’angle de la misogynie en faisant une brève comparaison des traitements réservés
à Lucien Neuwirth et à Simone Veil, avant de terminer par l’expérience vécue, et expliquée, par Edith
Cresson lorsqu’elle est devenue Premier ministre 68 en 1991.
66
DUPRAT Annie, Les rois de papier. La caricature de Henri III à Louis XVI, Belin, 2002, 369 pages. P. 124
67
Ibid. P. 38
68
NDLR : Lorsque nous avons contacté Edith Cresson, nous nous adressions à elle en tant que « ancienne première
ministre ». Dans ses réponses, elle a signé systématiquement « Ancien Premier ministre ». Par conséquent, pour
respecter sa démarche, nous avons décidé de ne pas féminiser son statut.
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