MÉMOIRE - Laure Botella

Mais les accusations ne cessent pas avec le décès du pape Boniface VIII. Au contraire, elles
redoublèrent de violence. En effet, Philippe le Bel exigea du nouveau pape, Clément V, la tenue d’un
procès posthume contre le pape Boniface VIII. L’objectif reste toujours la primauté de la royauté sur
la papauté. Le pape Boniface VIII, bien que décédé, subi toutes les accusations que le droit canon
autorise : il est alors accusé de tous les maux et de tous les vices (du non-respect du jeûne et de
l’abstinence, à la possession d’un démon privé, en passant par la sodomie et la simonie). Avec plus
de trente accusations, « il est donc un “hérétique manifeste”, disent en définitive ses accusateurs,
déviant de la foi catholique. Il est un “hérétique parfait” » 78 .
Mais le pape Clément V, durant l’été 1310, souhaite réduire les accusations à celles d’hérésie.
Finalement, le pape Clément V décide de clôturer le procès, en 1311 et de ne pas retenir les charges
à son encontre, les jugeant trop anciennes. Au contraire, il va se retourner contre le roi Philippe le
Bel, souhaitant prouver son zèle. Guillaume de Nogaret profitera une nouvelle fois des accusations
contre le roi Philippe le Bel pour faire attaquer la papauté à travers l’affaire du Temple 79 .
Cependant, la partie que nous venons de traiter reste à relativiser pour plusieurs raisons. Tout
d’abord, à cause de l’éloignement temporel de ce récit. Il a longtemps existé, par exemple, un débat
sur l’âge du Pape au moment de son décès et ce n’est que très récemment que les historien·ne·s
sont tombé·e·s d’accord sur un âge aux alentours de 68 ans. Elle est également à relativiser car le
seul historien contemporain à avoir témoigné sur l’histoire de l’antagonisme entre le pape Boniface
VIII et le roi Philippe le Bel est Giacomo Stefaneschi, proche du pape, qui l’a créé cardinal en 1295.
Si nous sommes certain·e·s de l’existence des accusations grâce à Jean Coste, qui a répertorié tous
les articles d’accusations et témoignages du procès de Boniface VIII 80 , aujourd’hui encore, nous ne
savons cependant pas de source certaine si toutes ces accusations sont fausses ou s’il y a une part
de vérité. En revanche, il s’agit ici d’un bel exemple de diffamations, utilisées à des fins politiques,
largement diffusées auprès de l’opinion, menant à la mort du diffamé, et amplifiée après celle-ci.
Hérésie, parjure, homosexualité, mœurs légères, remise en question de la légitimité, etc. telles
sont, entre autres, les accusations portées contre le pape Boniface VIII … et que nous retrouverons
78
PARAVICINI BAGLIANI Agostino, Boniface VIII : Un pape hérétique ?, Payot, 2003, 516 pages. pp 9-10
79
THERY Julien, « Le pionnier de la théocratie royale. Guillaume de Nogaret et les conflits de Philippe le Bel avec la
papauté », Guillaume de Nogaret. Un Languedocien au service de la monarchie capétienne, Nîmes, Lucie éditions, 2012, p
118. URL :
https://www.academia·edu/1998079/_Le_pionnier_de_la_th%C3%A9ocratie_royale_Guillaume_de_Nogaret_et_les_conf
lits_de_Philippe_le_Bel_avec_la_papaut%C3%A9_dans_Guillaume_de_Nogaret._Un_languedocien_au_service_de_la_
monarchie_cap%C3%A9tienne_dir._B._Moreau_N%C3%AEmes_Lucie_Editions_2012_p._101-128
80
Jean Coste a répertorié les articles d’accusations et les témoignages dans son livre « Jean Boniface VIII en procès.
Articles d'accusation et deposition des témoins (1303-1311) » publié en décembre 1995.
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