MÉMOIRE - Laure Botella
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eaucoup des critiques qu’elle recevait s’expliquaient par le fait qu’elle était jeune, jolie, d’origine<br />
marocaine mais également parce qu’elle était une femme.<br />
Les propos de Françoise Giroud s’appliquent donc encore aujourd’hui, notamment à Najat Vallaud-<br />
Belkacem. Ils s’appliquaient évidemment, lorsqu’Edith Cresson est devenue Premier ministre le 15<br />
mai 1991. Elle nous dit ainsi : « Et pour les femmes, évidemment il y a un créneau qui s’ouvre, qui est<br />
beaucoup plus vaste, avec l’imaginaire collectif : “les femmes sont incapables, nulles, frivoles etc. ”» 102 .<br />
Or selon Edith Cresson, l’image devrait en être différente puisque :<br />
« En général, les femmes ont un comportement beaucoup plus sérieux, dans la vie<br />
politique, que les hommes. Et que d’innombrables fois j’ai sollicité des femmes pour<br />
occuper des fonctions ou bien venir sur ma liste municipale, beaucoup m’ont dit : “je ne<br />
sais pas si je serais capable ”. Pas un seul homme, pas un, jamais, ne m’a répondu cette<br />
phrase. » 103<br />
« Nulle » n’est pas le terme exact utilisé par Henri Emmanuelli, concernant Edith Cresson comme<br />
elle le dit 104 :<br />
« Quand j’étais à Matignon, j’ai voulu faire en sorte que les délais de paiement soient<br />
réduits. Parce que ceux qui tentent les entreprises, et surtout les petites évidemment, ce<br />
sont les délais de paiement. Et les délais de paiement viennent de très haut. Cela vient de<br />
l’État qui paye avec retard les entreprises. Et les entreprises payent avec retard. Donc,<br />
j’avais fait auprès de la CGPME, à ce moment-là, qui est maintenant la CPME, un discours<br />
là-dessus. Et j’ai été très applaudie. Et quand je suis sortie, je crois que c’était à Bordeaux,<br />
Henri Emmanuelli qui était le député local disait aux journalistes : “elle est stupide, c’est<br />
une conne”. »<br />
Ainsi, contrairement à Najat Vallaud-Belkacem, qui fut comme nous le verrons défendue par son<br />
camp, Edith Cresson ne le fut pas.<br />
Ce n’est évidemment pas l’opposition parlementaire qui la défendit. Loin de là, puisqu’en effet, à<br />
peine nommée, François d’Aubert, député de la Mayenne, dira devant les caméras de télévision :<br />
« c'est la Pompadour qui rentre à Matignon ». Et Edith Cresson de rappeler qu’elle fut 105 :<br />
« élue et réélue député, maire, conseiller général, j’avais été cinq fois ministre, j’avais la<br />
légitimité du suffrage universel et bien non c’était la Pompadour. Alors que d’autres,<br />
puisque dans la Constitution, le président nomme qui il veut, il peut très bien nommer<br />
quelqu’un qui n’est pas élu. Pompidou était Premier ministre et n’était pas élu, Barre<br />
102<br />
CRESSON Edith, ancien Premier ministre. Entretien réalisé le 5 septembre 2017.<br />
103<br />
Ibid.<br />
104<br />
Ibid.<br />
105<br />
Ibid.<br />
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