MÉMOIRE - Laure Botella
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
a. Un engrenage qui débute avant l’élection du pape Boniface VIII<br />
Selon plusieurs historien·ne·s, dont Julien Thery, l’engrenage commença lors de l’ouverture du<br />
procès de l’Abbé Bernard Saisset en mars 1292. Benedetto Caetani, alors cardinal, est nommé par<br />
le pape Martin IV pour défendre l’Abbé Bernard Saisset lors de son procès contre le roi Philippe Le<br />
Bel. Ce procès avait pour objet les droits seigneuriaux sur la ville de Palmier et opposait l’Abbé et<br />
le Comte de Foix, ce dernier souhaitant montrer sa suprématie. Le roi comptait profiter de ce procès<br />
pour généraliser au profit des seigneurs locaux, et donc à son propre profit, la suprématie du<br />
pouvoir temporel (la royauté et les seigneurs locaux) sur le pouvoir intemporel (la papauté et les<br />
ecclésiastiques). Juge et parti, le roi se prononça en faveur du Comte de Foix 70 .<br />
Le 25 décembre 1294, Benedetto Caetani fut élu sous le nom du pape Boniface VIII et, dès juillet<br />
1295 souhaita réaffirmer la supériorité du pouvoir ecclésiastique sur celui de la royauté. Le 25<br />
février 1296, il alla jusqu’à publier une bulle (Bulle Clericis laicos) menaçant d’excommunier ceux<br />
qui souhaiteraient lever l’impôt sur les biens du Clergé.<br />
En mai 1297, le pape Boniface VIII rentre en conflit avec les cardinaux Colonna. Il les accuse, sans<br />
véritables preuves, d’avoir orchestré le vol du trésor de sa famille, qui a eu lieu le 3 mai. De rage, il<br />
fait envoyer un mandat de comparution aux deux cardinaux. Mais, dans ce courrier, le clerc de la<br />
chambre apostolique commet l’erreur de retranscrire « car il veut savoir s’il est le pape ».<br />
Ce dernier les accusera d’être des ennemis de l’Église et leur retirera leur dignité cardinalice le 10<br />
mai 1297. Le même jour, les Colonna publieront leur premier mémoire accusatoire contre Boniface<br />
VIII, profitant de la phrase « car il veut savoir s’il est le pape » pour remettre en cause sa légitimité :<br />
« Nous répondons à la dernière phrase que votre commandement, si on peut l’appeler ainsi – que vous<br />
vouliez savoir si vous étiez le pape – en vous déclarant que nous ne croyons pas que vous soyez le papier<br />
légitime. » Ils l’accuseront d’avoir tué son prédécesseur, le pape Célestin V : « Fréquemment nous<br />
avons entendu de nombreuses personnes de grande autorité, aussi bien des ecclésiastiques que des<br />
sécurisées, douter que le renoncement [au pontificat] décidé par Célestin fut légitimée canonique. ». 71 Il<br />
est à noter qu’il s’agit de ouï-dire, et que les Colonna ne citeront aucun nom.<br />
70<br />
THERY Julien, « Le pionnier de la théocratie royale. Guillaume de Nogaret et les conflits de Philippe le Bel avec la<br />
papauté », Guillaume de Nogaret. Un Languedocien au service de la monarchie capétienne, Nîmes, Lucie éditions, 2012, P.<br />
108-109. URL :<br />
https://www.academia·edu/1998079/_Le_pionnier_de_la_th%C3%A9ocratie_royale_Guillaume_de_Nogaret_et_les_conf<br />
lits_de_Philippe_le_Bel_avec_la_papaut%C3%A9_dans_Guillaume_de_Nogaret._Un_languedocien_au_service_de_la_<br />
monarchie_cap%C3%A9tienne_dir._B._Moreau_N%C3%AEmes_Lucie_Editions_2012_p._101-128<br />
71<br />
PARAVICINI BAGLIANI Agostino, Boniface VIII : Un pape hérétique ?, Payot, 2003, 516 pages. pp 163-173.<br />
28