MÉMOIRE - Laure Botella

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Si Edith Cresson reconnaît avoir été soutenue par les associations féministes de l’époque, elle reste aujourd’hui encore très virulente vis-à-vis de la seule femme qui selon elle l’a attaquée, à savoir Claude Sarraute. Cette dernière était alors chroniqueuse au journal le Monde et écrivait un billet quotidien, personnel et sarcastique, qui était publié en quatrième de couverture. Claude Sarraute avait écrit en parlant d’Edith Cresson : « J'imagine mal mon Mimi te repoussant du pied, agacé par tes câlineries de femelle en chaleur... », phrase qu’elle a cité plus de 30 ans après. Mais elle ajoute avoir reçu « plus de 3000 lettres de soutien après sa démission, de gens qui étaient indignés, et qui ont manifesté. » 110 Jean-Luc Mano, en réponse à Anne-Sophie Mercier, dans un article du Monde 111 , a d’ailleurs dit en 2010 : « On l'a oublié, mais le “Bébête Show”, diffusé [de 1983 à 1995] sur TF1 avec 7 millions de téléspectateurs, ça, c'était de l'extrême violence. Au “Bébête Show”, on sentait la volonté de tuer. Quand Edith Cresson était présentée en panthère lascive se roulant aux pieds de Mitterrand, on avait affaire, à une heure de grande écoute, à un délire machiste inimaginable aujourd'hui, avec une femme Premier ministre présentée comme une putain. » Nous souhaitions démontrer ici que les femmes, en plus des critiques habituelles faites envers tout·e dirigeant·e, subissait des attaques personnelles d’une rare violence, quand les hommes en étaient épargnés. Or, nous avons montré, à travers les cas de Boniface VIII ou des rois Henri III et Louis XVI, que les attaques étaient également personnelles. Boniface VIII et Henri III étaient accusés d’homosexualité, de mœurs légères, etc., quand Louis XVI l’était d’impuissance et d’être manipulé par son épouse. Cependant, avec l’arrivée des femmes au pouvoir, en tant que dirigeantes et non en tant qu’« épouses de » et femmes d’influence, les attaques personnelles se sont focalisées sur les femmes tandis que, vis-à-vis des hommes, il s’agissait de critiques sur le fond. Et en réalité, contrairement à ce que disait Jean-Luc Mano, certaines personnalités politiques, tout comme certains chroniqueurs ou certaines chroniqueuses, se permettent encore des remarques sexistes, et les exemples ne manquent pas. Aujourd’hui encore, il y a toujours une différence de traitement vis-à-vis des femmes politiques, souvent ramenées qu’à leurs corps, ou bien à leurs tenues. Ainsi, en juillet 2012, « des députés huent Cécile Duflot et sa robe à fleurs. L’un d’eux apostrophe 110 Ibid. 111 MERCIER Anne-Sophie, Politique : dans le piège des humoristes, Le Monde Magazine [en ligne], 25 décembre 2010 [consulté le 8 septembre 2017] . Disponible sur : http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2010/12/25/politiquesdans-le-piege-des-humoristes_1456788_3236.html 41
la ministre d’un vigoureux : “Enlève les boutons !” » 112 . Ce genre de remarques à l’Assemblée nationale arrivent fréquemment, « surtout après le déjeuner quand ils ont bu un coup » 113 , comme nous le dit Edith Cresson, parlant plutôt d’« une évolution de façade ». Cependant, comme le souligne la sociologue <strong>Laure</strong> Bereni, ces propos seront aujourd’hui immédiatement repris sur les réseaux sociaux numériques. Ainsi, selon elle, « les réseaux sociaux ont bien évidemment décuplé la force de ces discours. Tout commentaire sexiste d’un homme politique est désormais susceptible d’être rendu public, dans une stratégie de "shaming"» 114 . De la même façon, nous pouvons constater que les journalistes traitant de sujets « futiles » au lieu de parler du fond sont vivement critiqué·e·s sur les réseaux sociaux numériques. Mais les réseaux sociaux numériques ont-ils réellement provoqué une autocensure et un « shaming » systématiques ? N’ont-ils pas conduit au contraire à la multiplication de contrevérités en favorisant la prise de parole des extrêmes ? N’ont-ils pas permis au contraire de diffuser plus largement et plus rapidement l’information ou la désinformation ? Ce sont les deux thématiques que nous développerons au chapitre suivant. 112 ECOIFFIER Matthieu, FAURE Sonya et LUYSSEN Johanna, Femmes en politique, un match contre les machos, Libération [en ligne], 4 mai 2015 [consulté le 28 août 2017]. Disponible sur : http://www.liberation.fr/france/2015/05/04/femmes-en-politique-un-match-contre-les-machos_1289649 113 CRESSON Edith, ancien Premier ministre. Entretien réalisé le 5 septembre 2017. 114 ECOIFFIER Matthieu, FAURE Sonya et LUYSSEN Johanna, Femmes en politique, un match contre les machos, Libération [en ligne], 4 mai 2015 [consulté le 28 août 2017]. Disponible sur : http://www.liberation.fr/france/2015/05/04/femmes-en-politique-un-match-contre-les-machos_1289649 42
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