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L’ADOPTION DE LA TACTIQUE MANIPULAIRE
avant le contact. Ceux qui s’opposent à cette interprétation rétorquent
que le comblement des intervalles conduit à une ligne de bataille continue
qui dès lors ne se distingue plus de la phalange. D’autant que,
dans le cas d’un affrontement entre dispositif manipulaire et dispositif
en phalange, les membres de cette dernière ne peuvent pénétrer
dans les intervalles laissés entre les manipules sans risquer de briser
leur ordonnancement qui tire justement sa force de cette structure rigide
et impénétrable. Dans le cas d’un adversaire combattant en ordre
plus ouvert, la pénétration dans les intervalles serait vouée à l’échec
puisque les soldats faisant irruption dans ces espaces devraient alors
combattre sur deux côtés. Enfin, ces intervalles pouvaient être de taille
variable et, s’ils étaient équivalents au front d’un manipule dans l’ordre
de bataille précédant le combat, ils devaient ensuite être réduits durant
la mêlée. La question de l’intervalle, cette fois individuel entres
les soldats, est donc décisive.
Les estimations sur l’espace individuel qu’occupe chaque soldat
reposent principalement sur les informations fournies par Polybe dans
sa comparaison entre la phalange hellénistique et la légion manipulaire
22 . Mais les chiffres donnés sont en partie contradictoires et la
manière dont on les corrige varie 23 . Delbrück, au nom de la Sachkritik
dont il s’est fait le héraut 24 , retient le chiffre minimal de trois
pieds soit un espace de 89 cm de côté, ce qui représente un peu moins
d’un mètre carré. Kromayer souligne en revanche que Polybe attribue
au soldat romain au moins (e)la/xiston) trois pieds, surface qui doit
donc être comprise non pas comme un maximum, mais comme un
minimum. C’est la distance de six pieds qui ainsi constituerait, en largeur
comme en profondeur, l’espace nécessaire au soldat romain pour
combattre, soit un espace d’à peu près 1,80 m de côté, ce qui repré-
22 Polybe, XVIII, 29, 2 et 30, 6-9.
23 F. Lammert, RE, Suppl. IV (1924), s. v. Kriegskunst (röm.), col. 1084-1085;
E. Meyer, op. cit., 204-205; P. Fraccaro, op. cit., 51-52; Walbank, Comm. II, 588-589.
24 H. Delbrück, op. cit., 403, et E. Meyer, op. cit., 203-204. La distance entre
hoplites puis soldats phalangites macédoniens n’est d’ailleurs pas l’objet d’un consensus
chez les spécialistes du monde grec: voir notamment W. K. Pritchett (The
Greek State at War, I, Berkeley, 1971, 144-154) qui confronte les données polybiennes
à celles, divergentes, fournies par Asclépiodote (Tact., IV, 3), lequel indique trois
espacements différents (une coudée, soit 50 cm, deux coudées, soit 1 m, et quatre
coudées, soit 1,80 m, selon la formation adoptée: pu/knwsij ou sunaspismo/j).
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