R Classica&Christiana _nr7_2_2012_curbe - Facultatea de Istorie ...

L’ADOPTION DE LA TACTIQUE MANIPULAIRE
pouvait s’appuyer sur des arguments jusque-là insuffisamment relevés.
L’explication polybienne de l’ordre de bataille romain à Cannes ne
doit pas être retenue. Si l’on s’accorde sur cette révision, il s’agit dès
lors d’expliquer autrement la présence de la phalange à Cannes. Or,
comme Polybe doit dans le même esprit être remis en question s’agissant
de ses allégations à l’encontre de Flaminius pour la bataille de
223-222, les données dont on dispose entrent en accord pour réévaluer
la chronologie de la tactique manipulaire, à condition de bien
distinguer trois phénomènes qui doivent être séparés dans le temps:
l’organisation de l’armée, notamment sa division en manipules; l’adoption
d’un nouvel armement et l’échelle du combat – l’adoption du
gladius, du scutum et du pilum entraîne un espacement individuel
plus lâche entre les soldats mais pas forcément entre les unités –; et
enfin une tactique – l’utilisation de ces unités de manière souple et
autonome au combat qu’autorise la nouvelle division de l’armée ou ce
nouvel armement mais qui ne l’induit pas forcément. Ces révisions
opérées au moyen d’une critique des sources et d’une clarification des
données en jeu permettent de penser l’évolution du système tactique
comme un lent perfectionnement, au gré de l’évolution de la cité mais
surtout des adversaires rencontrés, plutôt que d’offrir cette évolution
saccadée de réformes éloignées dans le temps et relativement brusques
dans leur surgissement, généralement attachées à une figure tutélaire,
qui paraissent peu vraisemblables. La solution qu’on vient de présenter
permet d’expliquer les raisons du dispositif adopté à Cannes lequel,
sans cela, est difficilement compréhensible, en le replaçant dans la
série de défaites qui le précédent et la série de victoires qui lui succèdent,
ces dernières n’ayant pu intervenir sans des modifications
tactiques majeures. Il semble dès lors qu’il faille adopter pour la mise
en place de la tactique manipulaire, caractérisée par l’autonomie tactique
des manipules et des lignes de bataille, une datation plus basse
qu’on ne l’a habituellement proposée.
479