booklet 2009/2010 - Théâtre de la Ville
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« En fait, le récit ne suit pas <strong>la</strong> chronologie <strong>de</strong><br />
l’usine, il en dévoile les secrets : comment,<br />
après <strong>la</strong> guerre, elle naît du désir d’un homme<br />
riche, comment il l’a accaparée, et les alliances<br />
politiciennes qui lui ont permis, au fil <strong>de</strong>s alternances,<br />
<strong>de</strong> maintenir son pouvoir sur <strong>la</strong> région.<br />
Il y a aussi une femme, belle comme une<br />
madone. Incarnation <strong>de</strong> l’usine et mante religieuse,<br />
elle donne naissance à un enfant<br />
monstrueux, séduit les ouvriers avant <strong>de</strong> les<br />
jeter dans un puits. Image <strong>de</strong>s dégâts que, par<br />
exemple, peut provoquer l’amiante. Mais avant<br />
tout, il s’agit d’une fable. Un conte <strong>de</strong> sorcières<br />
à propos <strong>de</strong> l’Italie. De <strong>la</strong> façon dont les fascistes<br />
se sont toujours et encore infiltrés dans<br />
les sphères du pouvoir. Et aussi sur <strong>la</strong> disparition<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>sse ouvrière, et <strong>de</strong> l’usine, démantelée,<br />
délocalisée en Chine, en Roumanie. »<br />
La situation n’est pas vraiment inconnue en<br />
France. Sur le fond, l’adaptation se fait d’ellemême.<br />
Sur <strong>la</strong> forme, Charles Tordjman inscrit<br />
les comédiens dans un décor simple, lumineux,<br />
mobile, évoquant une usine belle comme une<br />
fée. Il a <strong>de</strong>mandé à Giovanna Marini – pour<br />
Celestini, elle n’est pas « une rivale mais une<br />
sœur » – <strong>de</strong> composer <strong>de</strong>s chansons qu’elle<br />
interprète sur scène avec son trio. Pour notre<br />
bonheur, l’Italie vient à nous… C. G.<br />
Parole d’auteur<br />
L’histoire d’un chef <strong>de</strong> fourneau à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Secon<strong>de</strong> Guerre mondiale racontée par un<br />
ouvrier qui est engagé par erreur dans une<br />
usine. Le chef <strong>de</strong> fourneau parle <strong>de</strong> sa famille.<br />
Du père et du grand-père qui ont eux-mêmes<br />
travaillé dans l’usine à l'époque où le travail<br />
était raconté hors <strong>de</strong> ses murs avec <strong>de</strong>s<br />
accents épiques. En un an <strong>de</strong> recherches à travers<br />
l’Italie nous avons recueilli <strong>de</strong>s histoires<br />
isolées, <strong>de</strong>s fragments <strong>de</strong> récits qui tournent<br />
tous autour du vécu physique <strong>de</strong> l’usine. Celui<br />
qui raconte le travail, raconte quelque chose<br />
<strong>de</strong> son propre corps. Même lorsqu’il parle <strong>de</strong><br />
rétribution collective, <strong>de</strong>s conflits syndicaux et<br />
<strong>de</strong> l’article 18, il fait usage d’un imaginaire qui<br />
fait référence au corps. Comme si pour parler<br />
<strong>de</strong> ce qui est arrivé, il fal<strong>la</strong>it le traduire dans une<br />
<strong>la</strong>ngue dont les références sont <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die et<br />
<strong>la</strong> santé, <strong>la</strong> beauté et <strong>la</strong> difformité, <strong>la</strong> force et <strong>la</strong><br />
faiblesse. Pour le chef <strong>de</strong> fourneau l’usine a un<br />
centre, et ce centre est le haut-fourneau. L’usine<br />
travaille pour le bon fonctionnement du<br />
haut-fourneau et les gaz du haut-fourneau<br />
transformés en énergie électrique font marcher<br />
l’établissement. À l’origine, <strong>la</strong> vieille usine avait<br />
besoin d’ouvriers forts comme le bronze et<br />
leurs noms étaient Libero, Veraspiritanova,<br />
Guerriero. L’âge intermédiaire a connu l’aristocratie<br />
ouvrière avec <strong>de</strong>s travailleurs anarchistes<br />
et communistes que même le fascisme ne<br />
licenciait pas parce qu’ils se rendaient indispensables<br />
à <strong>la</strong> production <strong>de</strong> guerre. Mais l’ère<br />
contemporaine a besoin d’une usine sans<br />
ouvriers. Une usine vi<strong>de</strong> où les seuls ouvriers<br />
qui <strong>la</strong> peuplent sont ceux que l’usine ne parvient<br />
pas à mettre <strong>de</strong>hors. Les infirmes, ceux<br />
qui ont trouvé le malheur à l’intérieur <strong>de</strong> l’usine.<br />
Ceux qui ont épousé l’'usine en y <strong>la</strong>issant une<br />
partie <strong>de</strong> leur corps, <strong>de</strong> leur histoire et <strong>de</strong> leur<br />
i<strong>de</strong>ntité.<br />
Ascanio Celestini<br />
AUTOUR DU SPECTACLE<br />
« LE TRAVAIL »<br />
Rencontre avec Charles Tordjman et Bernard Noël<br />
• dimanche 10 janvier à l’issue <strong>de</strong> <strong>la</strong> représentation<br />
L’acier, ils ne<br />
l’avaient<br />
plus dans<br />
les bras<br />
mais dans<br />
le cerveau.<br />
LA FABBRICA, ASCANIO CELESTINI<br />
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