booklet 2009/2010 - Théâtre de la Ville
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Jeunes artistes et nouveaux<br />
horizons<br />
Du même mouvement où nous voulons défendre<br />
les maîtres et le regard sur plusieurs générations,<br />
nous souhaitons aussi soutenir les jeunes<br />
compagnies, faire <strong>de</strong> nouvelles rencontres,<br />
découvrir <strong>de</strong> nouveaux talents et rester attentifs<br />
aux expériences, aux contenus et aux formes<br />
nouvelles.<br />
Sans doute <strong>la</strong> société <strong>de</strong> consommation <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
le renouvellement incessant et rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
formes: vite, vite, encore <strong>de</strong> <strong>la</strong> chair fraîche, celle<br />
d’hier matin est déjà faisandée. Je ne partage<br />
pas ce point <strong>de</strong> vue, même si je prône l’expérimentation.<br />
Si nous donnons une chance à <strong>de</strong><br />
jeunes artistes sur lesquels on fait un pari, c’est<br />
plutôt pour entreprendre avec eux un chemin<br />
commun. C’est une histoire d’amour, et non pas<br />
<strong>de</strong> calcul ou d’évaluation statistique.<br />
Intersections<br />
Je me réjouis <strong>de</strong> défendre les artistes, assez<br />
nombreux dans les temps récents, capables <strong>de</strong><br />
modifier les frontières entre les arts, en inventant<br />
à chaque fois <strong>de</strong> nouvelles modalités et <strong>de</strong><br />
nouvelles formes <strong>de</strong> leurs rencontres. Un artiste<br />
authentique est tout à fait capable <strong>de</strong> refon<strong>de</strong>r<br />
sa discipline… autrement : <strong>de</strong>s danseurs<br />
qui parlent, <strong>de</strong>s musiciens qui jouent <strong>de</strong>s rôles,<br />
<strong>de</strong>s interprètes qui se taisent, pour donner sa<br />
valeur au silence, pour habiter l’espace et pour<br />
exalter le temps. Je souhaite que notre projet<br />
s’accompagne aussi <strong>de</strong> réflexions sur l’état<br />
actuel et sur l’avenir ou <strong>la</strong> <strong>de</strong>stinée <strong>de</strong> ces différents<br />
arts. Ainsi, Heiner Goebbels, et son invention<br />
du Concert musical, offrira dans <strong>de</strong>s cadres<br />
insolites <strong>de</strong>s textes <strong>de</strong> T. S. Eliot, B<strong>la</strong>nchot, Kafka<br />
et Beckett, chants en ang<strong>la</strong>is par le Hilliard<br />
Ensemble. Guy Cassiers, qui a remporté un réel<br />
succès avec son Triptyque l’an <strong>de</strong>rnier, fera<br />
une mise en scène du grand roman Au-<strong>de</strong>ssous<br />
du Volcan, <strong>de</strong> Malcolm Lowry. Angelin<br />
Preljocaj, se proposera audacieusement <strong>de</strong><br />
dire / danser le sublime Funambule <strong>de</strong> Jean<br />
Genet. Jan Fabre proposera un solo écrit par<br />
lui-même. Voilà bien, avec Maguy Marin, Aurélien<br />
Bory, <strong>la</strong> compagnie chilienne Teatrocinema,<br />
Jan Lauwers et bien d’autres, <strong>de</strong>s artistes<br />
<strong>de</strong>ssinant <strong>de</strong> nouveaux cadastres, dép<strong>la</strong>çant<br />
les cloisons, ouvrant <strong>de</strong>s trappes, creusant <strong>de</strong>s<br />
terriers ou déployant leurs ailes dans <strong>de</strong> nouveaux<br />
espaces entre <strong>la</strong> scène, le corps, l’image,<br />
le cinéma, l’objet…<br />
Poétique <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues et troupes<br />
étrangères<br />
« Il ne faut pas avoir peur <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues étrangères,<br />
au contraire; j’ai toujours pensé que, si on<br />
regar<strong>de</strong> longtemps et soigneusement les gens<br />
quand ils parlent, on comprend tout. Moi je vous<br />
parle étranger et vous aussi, alors, on sera vite<br />
sur <strong>la</strong> même longueur d’on<strong>de</strong> » Cette phrase<br />
que Bernard-Marie Koltès fait dire à Léone dans<br />
Combat <strong>de</strong> nègre et <strong>de</strong> chiens, nous souhaitons<br />
aujourd’hui <strong>la</strong> reprendre à notre compte. Ainsi,<br />
David Lescot mettra en scène L’Européenne et<br />
réunira pour l’occasion une troupe française,<br />
italienne, portugaise et slovaque. De même,<br />
l’auteur japonais Oriza Hirata travaillera à une<br />
adaptation <strong>de</strong> Par-<strong>de</strong>ssus bord, <strong>la</strong> pièce <strong>de</strong><br />
Michel Vinaver, qu’Arnaud Meunier mettra en<br />
scène avec une troupe franco-japonaise.<br />
Ainsi, nous continuerons à faire entendre <strong>la</strong> part<br />
poétique <strong>de</strong> ces <strong>la</strong>ngues, à réunir dans un même<br />
espace ceux qui <strong>la</strong> parle et l’enten<strong>de</strong>, à voir se<br />
côtoyer dans <strong>la</strong> salle et sur <strong>la</strong> scène <strong>de</strong>s communautés<br />
linguistiques différentes.<br />
Le retour du Berliner Ensemble au <strong>Théâtre</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
<strong>Ville</strong> est aussi un événement. Il n’y était pas venu<br />
<strong>de</strong>puis 1960. La venue <strong>de</strong> L’Opéra <strong>de</strong> quat’sous<br />
<strong>de</strong> Brecht témoigne <strong>de</strong> l’art d’acteurs d’une<br />
gran<strong>de</strong> troupe sachant chanter, aptes à rapprocher<br />
plutôt l’opéra, ou <strong>la</strong> comédie musicale, du<br />
théâtre, que l’inverse. Robert Wilson est, on le<br />
sait, l’un <strong>de</strong> ceux qui maîtrisent à <strong>la</strong> perfection<br />
l’image scénique et le temps musical, et l’exercice<br />
<strong>de</strong>s voix dans cet Opéra <strong>de</strong> quat’sous relève<br />
du grand art. Que le Richard II <strong>de</strong> Shakespeare,<br />
monté par C<strong>la</strong>us Peymann, metteur en scène<br />
trop peu invité en France, fasse aussi honneur à<br />
ce Berliner Ensemble qu’il dirige, signifie bien<br />
que théâtre allemand et théâtre français ont<br />
<strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s années <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s connivences.<br />
Ensemble artistique<br />
Le dramaturge, l’auteur, le scénographe, le<br />
musicien et <strong>la</strong> troupe d’acteurs qui m’accompagnent<br />
constituent l’Ensemble artistique du<br />
<strong>Théâtre</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Ville</strong>. Car on réussit bien un spectacle<br />
non seulement parce qu’on s’entoure d’artistes<br />
<strong>de</strong> talent, mais surtout parce qu’on parvient<br />
à travailler et à inventer ensemble. Ce<strong>la</strong><br />
suppose que le lieu où travaillent ces artistes<br />
soit non seulement un lieu <strong>de</strong> représentation,<br />
mais aussi l’endroit d’une réflexion continue, un<br />
espace <strong>de</strong> recherche et d’interrogations sur les<br />
auteurs et les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> représentations. Pour<br />
que le <strong>Théâtre</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Ville</strong> soit un lieu en mouvement,<br />
un lieu d’intense vitalité artistique, cet<br />
« Ensemble artistique » tiendra aussi une p<strong>la</strong>ce<br />
importante, en s’impliquant dans <strong>de</strong>s ateliers<br />
avec <strong>de</strong>s lycéens, <strong>de</strong>s étudiants et aussi <strong>de</strong>s<br />
amateurs, en s’aventurant sur <strong>de</strong>s terrains nouveaux<br />
à <strong>la</strong> rencontre d’autres spectateurs.<br />
Enfants<br />
« Qui nous indiquera <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> l’enfant », dit<br />
le poète.<br />
On peut toujours terminer par les enfants. Jouer<br />
est commun après tout à l’enfant et à l’acteur,<br />
et je souhaite que le <strong>Théâtre</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Ville</strong> s’adresse<br />
le plus souvent possible à eux.<br />
Ils pourront donc voir Wanted Petu<strong>la</strong> <strong>de</strong> Fabrice<br />
Melquiot, auteur associé, qui caresse dans ce<br />
texte quelques nouveaux mythes chers aux<br />
enfants ainsi que quelques questions qui leur<br />
sont propres, mais aussi un spectacle <strong>de</strong><br />
marionnettes du Kera<strong>la</strong>, au sud <strong>de</strong> l’In<strong>de</strong>, reprenant<br />
les anciennes légen<strong>de</strong>s du Mâhabhârata,<br />
histoires fabuleuses et héros inconnus.<br />
C’est au travers <strong>de</strong> nos expériences quotidiennes<br />
qu’il nous faut essayer d’entrevoir le<br />
théâtre <strong>de</strong> <strong>de</strong>main. Nous vivons une époque à<br />
<strong>la</strong> croisée <strong>de</strong>s chemins, pas seulement politiques<br />
mais aussi artistiques. De quoi <strong>la</strong> culture<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>main sera-t-elle faite ? Il nous appartient à<br />
nous autres, metteurs en scène et acteurs, chorégraphes<br />
et danseurs, <strong>de</strong> continuer à chercher<br />
<strong>de</strong>s voies nouvelles.<br />
Emmanuel Demarcy-Mota.<br />
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