BICENTENAIRE AMBROISE THOMAS - cercle lyrique de metz
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quatre heures d’horloge entre la levée du corps dans la cour du<br />
Conservatoire, la messe solennelle à la Sainte-Trinité et l’inhumation au<br />
cimetière Montmartre. Cette journée <strong>de</strong> cérémonie funèbre, très parisienne,<br />
rappelait l’impressionnant cortège <strong>de</strong>s funérailles <strong>de</strong> Victor Hugo dix ans<br />
auparavant. Cinquante membres <strong>de</strong> l’Institut <strong>de</strong> France en grand uniforme,<br />
marchaient <strong>de</strong>rrière le corbillard précédé <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux chars couverts <strong>de</strong> couronnes<br />
et encadrés par <strong>de</strong>s batteries à cheval, suivis <strong>de</strong>s troupes commandées<br />
par leur général et par <strong>de</strong>ux bataillons rendant les honneurs militaires<br />
au défunt, tandis que la Musique <strong>de</strong> la Gar<strong>de</strong> Républicaine jouait, sur tout le<br />
parcours, la Marche funèbre <strong>de</strong> Chopin. La foule, massée sur tout l’itinéraire,<br />
embouteillait les grands boulevards. A l’église, on joua <strong>de</strong>s adagios <strong>de</strong><br />
Beethoven, <strong>de</strong> Men<strong>de</strong>lssohn, <strong>de</strong>s extraits du Requiem <strong>de</strong> Mozart et <strong>de</strong> celui<br />
qu’Ambroise Thomas avait composé à 22 ans à la Villa Médicis.<br />
Son plus fidèle disciple, Jules Massenet, ajouta un hommage appuyé au flot<br />
<strong>de</strong>s discours prononcés sur sa tombe. L’émotion avait gagné l’assistance.<br />
Etait-t-elle sincère ? Elle contenait, certes, <strong>de</strong>s regrets, réveillant <strong>de</strong>s souvenirs<br />
émerveillés ou nostalgiques, mais dissimulait aussi les querelles esthétiques,<br />
les rancœurs, les jalousies, les jugements partiaux et les écrits vengeurs.<br />
L’adieu au « grand taciturne à l’œil doux » qu’avait typé son jeune<br />
confrère Ernest Reyer, marquait la fin d’une époque brillante, dominée par le<br />
grand opéra à la fran-çaise et l’opéra-comique, et qui semblait déjà lointaine.<br />
Thomas paraissait soudain appartenir à un autre temps, à une autre histoire,<br />
à un autre balancier musical. Il avait vécu une époque florissante pour<br />
lui et les grands <strong>lyrique</strong>s surfant sur la même vague stylistique, Adam, Auber,<br />
Halévy, Gounod, Meyerbeer, et cette époque semblait révolue. L’art musical<br />
nouveau avait fleuri <strong>de</strong>puis un certain temps déjà. Debussy avait alors 34<br />
ans, Eric Satie en avait 30 et Ravel 21. Et, à Paris, les opéras <strong>de</strong> Richard<br />
Wagner n’étaient plus autant décriés qu’ils l’avaient été, trente ans auparavant.<br />
Laisser la muse au repos !<br />
Alors, pour la nouvelle génération, Thomas, c’était du passé. On ne s’était<br />
d’ailleurs guère privé <strong>de</strong> le clamer dans les couloirs comme dans les gazettes.<br />
« Bah ! Il a vécu, c’est son heureux mérite ! ... ». Au soir <strong>de</strong> la création,<br />
en 1889, <strong>de</strong> son ultime ouvrage, La Tempête, d’après Shakespeare, le raz<strong>de</strong>-marée<br />
<strong>de</strong> la critique hostile envoya, dans un fracas <strong>de</strong> porte-plumes, le<br />
tan<strong>de</strong>m Thomas-Barbier par mille mètres <strong>de</strong> fond. « Pauvre Shakespeare !<br />
Non content <strong>de</strong> le piller, on le déchire (…) T’en a-t-il extirpé <strong>de</strong>s côtelettes et<br />
<strong>de</strong>s biftecks, ô mon vieux Will, pour les jeter crus et pantelants à la faim<br />
vorace <strong>de</strong>s musiciens », pouvait-on lire dans le Gil Blas, l’équivalent <strong>de</strong> notre<br />
Canard Enchaîné. Même le tout jeune Henri Busser l’affublait d’ironiques<br />
citations latines : « Quandoque bonus dormitat Thomasius »… lui intimant <strong>de</strong><br />
laisser sa muse au repos.<br />
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