BICENTENAIRE AMBROISE THOMAS - cercle lyrique de metz

pensée qu’il aurait pu être frappé du même malheur. La littérature vient
magnifier ce qui pourrait n’être qu’une banale histoire d’adultère. On pense
irrésistiblement à Tristan, d’ailleurs nommé juste avant, et à Yseut.
Dans ces légendes, comme dans la vie réelle, les amants de naissance
noble, sont jeunes et beaux. De plus, Francesca est mariée contre son gré à
un seigneur présenté comme brutal et contrefait. Dante transforme ainsi en
véritable mythe, l’histoire de ses héros, ainsi que sa propre relation avec
Bérénice. Tous sont immortalisés par la force poétique de son verbe. Le croisement
des thèmes populaires de l’amour interdit et de la damnation
éternelle renforce la fascination exercée sur l’esprit du lecteur. Le récit dantesque
est suffisamment elliptique pour qu’on ne puisse décider si le meurtre
perpétré par l’époux survient ou non immédiatement après ce premier
baiser. Les amants pourraient alors n’être coupables que pour ne pas avoir
résisté à leur désir, mais non pour l’avoir assouvi totalement. Culpabilité et
innocence s’entremêlent et rendent indulgent à leur égard. Tués d’un seul
coup d’épée, cette union physique, sinon charnelle, explique leur fusion éternelle
en Enfer, ce qui adoucit leur châtiment : pour eux, la peine la plus cruelle
aurait été d’être séparés. « La Caïne », lieu situé dans le dernier cercle de
l’Enfer, attend l’époux après sa mort. Sa punition est plus sévère que celle
réservée aux amants, alors qu’il est, suivant les valeurs du temps, victime de
leur trahison. Signe de « l’absolution » accordée par Dante, comme le confirme
l’épisode final du Paradis où l’on voit Béatrice, elle-même, guider Dante
jusqu’à Dieu.
La conception des librettistes
On connaît l’habileté des célèbres librettistes Jules Barbier et Michel Carré
qui ont travaillé au Faust de Gounod et aux Mignon et Hamlet d’Ambroise
Thomas.
Ils respectent une partie de la structure inventée par Dante pour sa Divine
Comédie : à savoir un Prologue dont le premier tableau correspond au Chant
I et II de « L’Enfer » : Virgile, envoyé par Béatrice, vient chercher Dante égaré
dans une forêt obscure, symbole de l’emprise du péché, pour le guider vers
le Paradis. Dans le second tableau, assez proche du texte original du Chant
V du même Cantique, les deux poètes rencontrent les mânes de Françoise
et de Paolo. Le récit que fait la jeune femme à Dante, pour expliquer les raisons
de la présence du couple en ce lieu, constitue l’argument des quatre
actes suivants. L’Epilogue de l’opéra rassemble au Ciel, Béatrice et Dante,
entourés par Paolo, Françoise et Virgile, ce qui n’existe pas dans La Divine
Comédie. Cette vision finale concrétise cependant la compassion exprimée
par le poète à l’égard des amants coupables.
En revanche, les librettistes prennent plus de liberté avec les faits tels qu’ils
sont rapportés par les chroniques et par Dante. Dans l’opéra, Françoise et
Paolo, libres de tout lien, s’avouent leur amour dès la première scène où ils
lisent ensemble le Lancelot. Guido da Polenta promet sa fille au jeune
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