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Je suis désolée, vraiment, mais je n’ai pas le temps de lui en faire part comme je le voudrais, les autres
nous trouvent trop sages dans notre coin, ils nous tombent dessus. Je me contente de poser ma main sur
son épaule, il comprend, du moins, je l’espère.
***
Mon installation dans la maison du gardien terminée, je m’y sens comme chez moi. Habiter Avenue Foch
est un luxe auquel je n’aurais jamais espéré prétendre. J’ai gagné au Monopoly ! Rien que le fait de
passer la grille dont j’ai maintenant le code et une clé, je me sens reine.
La secrétaire de l’école m’a regardée avec des yeux ronds quand je suis allée modifier mes coordonnées
postales à son bureau. Elle m’a fait répéter deux fois pour être sûre que je ne me trompais pas.
Chaque jour, je salue Bernard, aussi souriant que prévenant, je « bisoute » ma tante ravie de ma présence
et qui ne rate pas une occasion de me faire profiter des petits plats qu’elle confectionne avec une part en
plus. Pour un peu, je croirais que j’abuse.
L’école de journalisme, je n’y vais plus désormais que le lundi matin, le mardi toute la journée et le jeudi
matin. Tout le reste de mon temps, je le consacre à mon travail. Un travail plaisir que j’ai du mal à
considérer comme tel. Je n’ai qu’à faire une promenade de cent mètres dans le jardin avant de le
rejoindre. De fait, j’arrive détendue et en quelques jours, je me sens parfaitement à l’aise et reposée.
N’ayant plus à me soucier ni du trajet, ni de mon loyer, ni de mes voisins, j’accorde volontiers à Paul
Peyriac toutes les heures supplémentaires qu’il veut même s’il n’exige rien en réalité. Il s’avère
seulement que nos conversations se prolongent sans que nous y prenions garde. Je reste bien souvent
jusqu’à l’heure du dîner quand il plonge dans ses souvenirs, l’album de photographies ouvert sur le
bureau.
J’imprime mes notes avant de partir et de la fenêtre de ma chambre, je vois la lumière de son bureau où il
relit, corrige, annote celles qu’il me rendra le lendemain.
Nous avançons bien. Toute son enfance et son adolescence sont maintenant bouclées, corrigées. Nous
nous apprêtons à aborder ses premiers pas professionnels.
Paul continue d’être aussi mon professeur. Il m’a emmenée deux fois aux éditions Peyriac où Pierre m’a
fait l’honneur de découvrir le comité de lecture. En vivant au plus près de Paul, je me suis aperçue que
son fils venait le voir régulièrement le dimanche avec une femme. Je ne l’ai vue que de loin mais elle me
fait l’effet d’être plus âgée que lui. Paul me confirme mon impression quand j’ose lui poser la question.
— Ma nouvelle belle-fille s’appelle Véronique, elle est en effet plus âgée que Pierre. Ils se sont mariés il
y a un an. Je ne saurais vous dire ce que j’en pense vraiment, soupire-t-il. Véronique est réservée pour ce
que Mathilde était extravertie. À croire que mon fils a décidé de passer d’un extrême à l’autre.
Sa remarque me fait rire.
— Il neige déjà, dit alors Paul en actionnant les balais d’essuie-glace de la Mercedes.
Nous sommes à peine au début de décembre. Je râle. Il m’observe à la dérobade.