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— Que tu n’aurais pas meilleur professeur que lui, Mina, et je le crois sincèrement. Si je n’avais pas été
initiée par Henri, je n’aurais probablement pas séduit Alex de la même façon. Nous commettons toutes
des maladresses au début. Avoir comme guide un homme expérimenté tel que Paul t’évitera les écueils, il
te montrera la meilleure façon de procéder. Je l’ai encouragé à le faire comme je t’encourage à l’écouter.
— J’ai accepté, c’est juste que c’est un peu… troublant.
— Je le conçois, admet-elle. Mais je sais que tu es capable de faire abstraction de beaucoup de choses
pour n’en conserver que l’essentiel. Paul te fait confiance et ce n’est pas un vain mot.
Ses paroles me réconfortent un peu même si elles n’apaisent pas entièrement mes doutes.
***
Près de trois semaines se passent sans que Paul revienne sur le sujet. Nous sortons souvent. Il me fait
profiter de son immense érudition, de sa culture si vaste et si pointue. Il m’emmène dans toutes sortes
d’endroits fascinants, m’entraîne dans des spectacles auxquels il reprend goût. Il suffit que je manifeste le
moindre intérêt pour quelque chose, un événement ou un lieu et, dès qu’il le peut, il s’arrange pour m’y
emmener.
De fait, son livre n’avance pas autant qu’il le faudrait. Quand je lui en fais part, il dit que tout n’est
qu’une question de priorités et qu’il ne compte pas mourir de si tôt, ce qui lui offre assez de temps pour
livrer ses secrets. Par contre, l’arrivée imminente de Philippe ne lui laisse pas la même marge de
manœuvre.
Avec Mickaëlla, je pénètre l’ensemble du réseau de la Société. Je sais désormais où et à qui m’adresser
pour obtenir ce que je souhaite. Suivant les ordres de Paul, j’utilise mon badge sans compter. En quelques
semaines, ma penderie s’est étoffée de tenues qui me donnent une allure folle et marcher avec des talons
de dix centimètres ne m’effraie plus. Je fais l’admiration de Marion qui me voit gambader ainsi sans
difficulté, moi qu’elle n’a toujours connue qu’en tennis.
Bertrand a fait un miracle sur ma chevelure. Ma couleur brune s’est enrichie de subtils reflets dorés et
mes cheveux ondulent en boucles souples dans mon dos. Paul aime à remettre parfois une mèche en place
en souriant. C’est sa manière à lui de me dire qu’il apprécie.
Je lis souvent dans ses yeux posés sur moi l’intense réflexion qui l’anime. J’y cherche les réponses à mes
questions. Il s’en amuse et je suis toujours quitte à rester sur ma faim.
Notre intimité s’est renforcée au point que ma tante s’en émeut un beau matin alors que je passe un
moment en sa compagnie dans la cuisine. Paul, dont les oreilles ont perçu la remarque, lui rappelle
gentiment que c’est elle qui a pris l’initiative de nous présenter l’un à l’autre. Il ne manque pas d’ailleurs
de la remercier si chaleureusement qu’elle en oublie ses doutes. Je me sauve très vite avant qu’elle
revienne sur le sujet.
Considérant ma faible résistance au plaisir, il n’est pas un jour sans que mon étonnant employeur ne me
mette à l’épreuve sur ce terrain et son meilleur allié est l’œuf vibrant dont Micky m’avait prévenue qu’il
était particulièrement redoutable.