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— C’est pour ça que vous avez enfin accepté qu’elle vous aide ?
— Entre autres oui. Et puis, nous avons fait une rencontre qui a changé notre existence.
Je suis tout ouïe tandis que Paul considère mon bloc-notes avec prudence. Il hésite un moment puis son
regard plonge dans le mien. Il sonde mon âme avec une telle intensité que je me trouble.
— Si vous n’avez pas envie de me le dire, je comprends, lui dis-je doucement.
Paul penche la tête de mon côté et me confisque mon stylo.
— Promettez-moi de ne jamais, sous quelque prétexte que ce soit, révéler ce que je vais vous dire. Bien
entendu, pas une ligne dans le livre ! Je vous le demande en ami, Mina, insiste-t-il de manière
inhabituelle. Dites-moi que je peux vous faire confiance !
Son regard est tellement dur, je déglutis comme si j’étais face à un juge et je donne ma parole dans un
souffle. Il hoche la tête, se redresse un peu et s’éclaircit la voix avant de reprendre tout bas.
— Après s’être remise de la naissance de Pierre, Béatrice a actionné tous les réseaux possibles et j’ai
cédé une partie des parts de l’imprimerie à mes sœurs pour financer mes premiers investissements. Ce fut
la naissance de notre second enfant, les éditions Peyriac. Je n’aurais pas réussi sans le soutien d’un
homme, Henri Valmur. Il commençait à être connu à l’époque. Il m’a accordé sa confiance et son amitié.
Grâce à lui, les éditions Peyriac ont acquis une solide notoriété. Ça, c’était pour le côté professionnel.
D’un côté plus personnel, c’était aussi l’époque où Henri Valmur se rachetait une conduite si je puis dire.
Certes, il avait la réputation d’être un excellent écrivain mais il était aussi connu comme étant un
jouisseur, dans tous les sens du terme. Henri était de toutes les fêtes les plus grivoises de la capitale. Il
était un célibataire convoité et ne manquait pas de succès auprès des femmes. Il avait même eu l’idée de
créer une boîte échangiste qui marchait très bien au demeurant. Et puis, comme je vous le disais, quand
les gens vieillissent, leurs besoins changent. Il n’en a pas été autrement pour Henri. Ses livres
connaissaient le succès, sa boîte aussi mais il s’en est lassé. Il trouvait ça trop vulgaire. Henri s’était
forgé une certaine philosophie de la vie. Il aimait le luxe, le raffinement, le mystère. Il a été fort
impressionné quand je lui ai fait la confidence des visites de Béatrice au bureau. C’est de là que lui est
venue l’idée. Il m’a demandé ce que valait pour moi le plaisir que me donnait ma femme et je me
souviens lui avoir déclaré qu’il valait tout l’or du monde. Il m’a dit que des tas de gens étaient prêts à
donner tout l’or du monde pour une part de plaisir et que cette part, ils ne savaient pas comment l’obtenir.
Il est revenu plusieurs mois plus tard avec dans sa mallette, le projet d’une société qu’il envisageait de
créer.
Paul marque un temps d’arrêt, me laisse digérer l’information et attend que je le relance.
— Quelle société ?
— Celle qui n’a pas de nom parce qu’elle n’existe pas officiellement, celle qui se cache et n’est connue
que de ses membres.
— Je ne vous suis pas, je chuchote, prise au jeu.
— Henri s’est assis en face de moi, ici même, à votre place, et m’a tout expliqué. Il voulait créer cette