Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
13 avril, à 17 h 12, heure de Paris, les femmes disparurent.”<br />
La suite montre combien nous sommes essentielles…<br />
“<strong>Le</strong>s miennes, les vôtres, toutes les femmes, ces merveilles insultées, nos<br />
horizons, nos protections dans un monde intolérable, elles, leur indulgence,<br />
leurs babils et leurs non-dit s’en furent sans bruit, sans fracas ni tempête, modestement,<br />
anonymement, sans juger utile de faire apparaître une grande pogne qui<br />
eut tracé en lettres de feu ce « je reviens dans cinq minutes » qu’elles apposaient<br />
quelquefois au rouge à lèvres ou au sticker sur le frigo, ces sublimes disparurent<br />
discrètement, à perte de femme. “<br />
Ah ! Si les hommes avaient tous su nous parler ainsi ce chapitre n’aurait<br />
aucune raison d’être… Il poursuivait et tombait dans le vertige de la liste :<br />
“Toutes, quasiment toutes. <strong>Le</strong>s nanas, les charmantes, les grogneuses,<br />
ménagères, épouses, vendeuses, avocates, muses, les désirées, les connues, les<br />
trompées comme les fatales, celles qui ne faisaient pas d’histoire et pour qui on<br />
avait une tendresse particulière, j’en saute, si je puis m’exprimer ainsi. La mer<br />
et le sable, eux, étaient toujours là ainsi que les montagnes, des fleuves, tout ce<br />
que l’on appelle nature et même les villes qui se faisaient de plus en plus laides.<br />
Sans parler des hommes. <strong>Le</strong>s femmes s’en étaient allées Dieu ne savait pas où.<br />
Il restait bien quelques mannequins de cire dans les vitrines et des icônes dans<br />
les revues de mode mais de femelle humaine rien. Elles avaient empli notre vie,<br />
on n’avait pas su le voir et soudain elles n’étaient plus là.”<br />
Je suis une grande sentimentale, j’ai ressenti cette absence, en lisant ça j’avais<br />
presque le sentiment d’être une désespérance masculine… Il se demandait qui<br />
avait fait le coup.<br />
“Ce ne pouvait être qu’un complot, un coup monté avec une insondable perfection.<br />
Mais par qui ? <strong>Le</strong> KGB était mort, la CIA trop conne, les Suisses trop<br />
misogynes et les Latinos trop bien servis. C’était à coup sûr une manœuvre<br />
des Chinetoques et des Indiens d’Inde, j’avais entendu dire qu’il leur manquait<br />
quelques millions de femmes. Mais de là à nous les siffler toutes… S’étaient<br />
évanouies les tramposes, les comploteuses, les ruineuses de santé comme<br />
de phynance, les bonnes et les passantes, pas grand-chose somme toute, nos<br />
femmes, rien que nos femmes.”<br />
Ce pas grand-chose m’acheva. Il avait un parfum d’infini !<br />
“<strong>Le</strong>s hommes créèrent des cellules de crise et passèrent le réel au peigne fin.<br />
Elles avaient laissé toutes leurs affaires en place. L’instant d’avant l’une cuisinait,<br />
108