Le 12ème Evangile - Margelle

je balançais toutes ces informations à mon petit FemmeTouch qui les digérait
et les compilait pour moi. Je voyais très clairement un flux qui diminuait. Un
flux monétaire. Ces gars-là réinventaient la pompe à vide. Peu à peu un sourire
perfide se dessinait sur mes lèvres et Fuld, qui ne voyait en moi que la fille avide
de profit, approuva d’un hochement de tête. Leur plan était gonflé !
- Qu’en pensez-vous ? grinça-t-il. Des failles ? Avec ce qu’on vous paie vous
devez être à même de déceler instantanément tout échec potentiel.
Il y en avait un…
L’Amérique était entrée depuis des années dans la crise des subprimes, les
banques le savaient et s’apprêtaient à shorter Wall Street et les indices boursiers,
le gouvernement le savait, Lehman Brother dans les bureaux de qui j’avais le
déshonneur de me trouver n’aurait jamais disposé des liquidités indispensables
pour honorer ne serait-ce qu’une partie des ses engagements et je voyais que
Dicky Fuld continuait d’endetter sa banque.
En particulier dans l’immobilier.
Je le considérai pensivement. Il me fit penser à Hitler ou à n’importe quel
dictateur en fin de règne, isolé dans son bureau, terrorisé par Goldman Sachs le
mauvais allié, dirigeant des armées fictives depuis son bunker, aucun général ne
se risquant à lui montrer la réalité du terrain. Mon F2 m’avait fait un bon résumé
de la situation, la Lehman était endettée à quarante-deux fois la valeur de ses
fonds propres et la Bear Stearns venait de sombrer. Je me fis une bouche mince,
adaptée à la question. J’avais un rôle à jouer, en fait je ne faisais que lire mes
répliques en prenant un air de circonstance.
- Que fera Paulson ? dis-je, je venais de sentir ce texte passer sur mon F2.
- Henry ? Il me suivra, grinça-t-il.
Madoff bougea dans son coin. Il avait les yeux sympathiques des escrocs de
haute volée, il me donnait même confiance…
- J’ai de petits doutes sur Goldman Sachs, murmura-t-il, s’ils nous laissent
tomber nous sommes morts. Pourquoi ne pas tout refiler aux Coréens ? Imagine
que Morgan Chase nous demande de couvrir, même en partie, nos engagements
actuels ?
Fuld balaya l’idée d’un geste agacé.
- Alors Willard ?
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