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Le 12ème Evangile - Margelle

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Ce désordre croissant est-il le fait du mâle ou est-il inscrit dans la création de<br />

l’Univers ? Je devine qu’on va parler de ça et, à notre petit niveau humain, Mélissa<br />

me fait entrevoir un futur au féminin qui, en principe, me ravit. Je dis<br />

en principe parce que, intuitivement, son monde me paraît aussi violent que le<br />

nôtre. Il n’y a qu’elle au fond qui soit pure énergie et générosité.<br />

Ah ! je donnerais cher pour connaître la fin de ce bouquin, si tant est que des<br />

solutions s’y dégagent. Avant de te quitter, toi qui me lis, il faut que je te parle<br />

du temps, pas comme un physicien, comme un “habitant”. J’ai, de nature, une<br />

facilité extrême à passer du temps actif au temps contemplatif. Je n’ai jamais travaillé<br />

ce don et il n’est pas utile aux autres. C’est un pouvoir intéressant et je t’en<br />

donne un exemple. J’habite la Maison sur Achéron. La nuit, j’entends la voix du<br />

fleuve, en bas de notre falaise et je discerne que ce sont les voix des morts, des<br />

milliers de voix, un nuage de voix dont le son résultant est un chuintement un<br />

peu gris. Je me dis bien sûr qu’il ne s’agit que de l’eau qui roule les galets aux<br />

berges du fleuve. Mais parfois, quand je suspends le temps, je crois discerner les<br />

voix des morts, de ceux qui passent là. Je comprends quelque chose du temps qui<br />

les emporte dans sa tourmente. Bien sûr ce sont mes lectures de l’Enfer de Dante<br />

et les images de Doré qui me font imaginer çà. Mais je fais d’autres expériences.<br />

Une fin d’après-midi, en été, je me suis assis devant le grand arbre et sans m’en<br />

rendre compte je lui ai parlé. Je suis entré dans son temps propre, infiniment plus<br />

lent que le nôtre. Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça ni comment, j’ai juste visité<br />

son arborescence comme une partition. C’est comme une partita de Bach ce<br />

feuillage, c’est un organigramme vivant. Ça explose infiniment lentement, tiens,<br />

ça ressemble à une femme, c’est la Vie. Je comprends très bien pourquoi dans un<br />

rêve de jeunesse j’ai vu les femmes comme des arbres avec des racines qui les<br />

unissent et nos énergies masculines comme une ronde d’étincelles brèves qui,<br />

toujours, se perdent en elles. Mon esprit se promène dans ces avenues vivantes,<br />

explore cette cathédrale annuelle, je ressens une paix infinie. Au moment de la<br />

transition de retour il se passe des choses étranges, j’avais à mes côtés un setter<br />

irlandais, cette race de seigneurs roux, et, chutant d’un infini, d’une onde laminaire<br />

dans un présent turbulent, j’ai été halluciné par la vitesse de sa respiration,<br />

ça me faisait penser aux élytres d’un insecte. J’ai achroni, le monde à repris son<br />

écoulement humain, l’épaisseur de mon présent à diminué, je n’ai pas de mots<br />

pour l’exprimer !<br />

Tu te demandes pourquoi je te raconte ça ? Simple ! Tout ce qui se passe ici et<br />

chez Mélissa n’est qu’un gigantesque brassage de temps. La musique est faite<br />

de sept octaves de temps. Nos aventures aussi, qui sait ? Des forces vont étirer<br />

la trame de ce monde, le temps n’aura plus le temps de durer, il sera sifflé, com-<br />

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