Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
mythologie masculine qui, par tous les moyens, veut faire penser que seule la<br />
femme dominante peut mener l’homme à la découverte du sexe et de son accomplissement<br />
absolu. <strong>Le</strong>s livres de Des Ombres en sont bourrés, les premiers<br />
du moins. Je n’ai jamais décelé cette tendance chez lui, pas avec moi. Est-ce que<br />
je lui fais peur ? Est-il trop amoureux de moi ? Cet homme est un témoin de son<br />
époque, un récepteur sensible, un branché “air du temps”. Il adorera décrire cette<br />
métamorphose guerrière des filles et des femmes avant qu’elles ne s’établissent<br />
réellement. Je dis adorera car il n’a pas encore écrit ses fichus bouquins, restez<br />
avec moi, eh ? Tout a commencé dans la mode et le cinéma. On a demandé aux<br />
filles de prendre des looks provocateurs puis, assez rapidement agressifs, guerriers.<br />
<strong>Le</strong>s Zines se sont remplis de nanas qui dardaient un œil furieux sur le<br />
lecteur, avançaient la hanche avec défi, se campaient mains sur les hanches dans<br />
le style “tu as quelque chose de plus à dire ?” et, de fil en aiguille, se retrouvaient<br />
bottées ou chaussées d’escarpins trucideurs, masquées, gantées, le cuir faisait<br />
ses ravages et il n’était pas rare de les voir cravache à la main, histoire de mettre<br />
les choses au point, histoire de dire que hors du pouvoir féminin il n’y a plus de<br />
sexe possible. <strong>Le</strong>s femmes qui suivent échappent à leurs designers. Elles prennent<br />
le pouvoir mais le prix à payer est cher : la perte de ce que décrivait si bien<br />
Clarissa. Elles tourneront vite à des statuts de tueuses ou de poupées blondes<br />
vides d’être, avides de paraître, inhabitées si ce n’est par leur sottise et la peur<br />
de vieillir. Je crois que Jacques, à ce propos, est en colère mais nous n’en parlons<br />
jamais. Nous avons à peine le temps de nous dire les choses fondamentales<br />
qui nous concernent. J’ai donc renoncé à découvrir ce que fut l’érotisme de ce<br />
moment-là, normal, je suis en mains. Comme lui…<br />
Et maintenant ? Que vais-je faire de tout ce temps qui est le nôtre ? Nous<br />
allons poursuivre cette promenade dans notre état de grâce et je vais encore<br />
lui dire qu’il est ma petite conne préférée, c’est comme ça que ça marche la<br />
tendresse, on partage tout, le présent dure et s’étire mieux que je ne pourrais le<br />
faire avec mon FemmTouch, nous sommes à chaque instant dans nos premiers<br />
élans et nous ne nous lassons jamais de nous répéter les mêmes banalités. Il y<br />
a plein de petits restos à découvrir, d’ambiances romantiques et de futileries<br />
merveilleuses. Vivre en apesanteur vous connaissez ? C’est nous ! Nous évitons<br />
autant que possible ses amis. Nous sommes allées en Toscane, à Grenade, à<br />
Ibiza, à Bruges, dans une masse d’endroits qu’il connaît bien et qui émerveillent<br />
la fille tombée du haut du Temps… Chez lui, quand le téléphone insistait on ne<br />
répondait jamais. Des fâcheux frappaient à la porte, on les ignorait, la houle des<br />
autres tentait par tous les moyens de nous séparer, on l’ignorait. <strong>Le</strong> frigo était<br />
vide et de jour comme de nuit on allait dans des endroits rares, les quartiers<br />
étrangers de Genève, chez les Latinos, les Pakistanais, les Indiens qui savaient<br />
179