Le 12ème Evangile - Margelle

accoudée sur la fascinante surface de formica blanc 75 avec son petit liséré bordeaux.
Je sais que je ne vous ai pas raconté la fin de mon séjour dans la grande
rave lesbienne ni comment je m’en suis tirée mais, finalement, ai-je l’air de vous
causer du fond de l’estomac d’un requin ? Il s’était passé des choses et vous les
connaîtrez, si mon pote se pointe et me prête vie. De plus j’avais un creux formidable,
je venais de dépenser une énergie surhumaine et j’avais besoin de faire le
plein. Je me suis levée et j’ai tapé sur l’épaule du patron qui s’est retourné avec
vivacité. Mes beaux yeux se sont esquarquillés, le choc !
C’était Lui !
J’en eus le souffle coupé. Pas de voir Dieu prendre la place de ce gros Mexicain
poussif et peu ragoûtant mais de constater sa métamorphose. Il avait l’air
heureux, dans la force de l’âge, il était moins “vieux monsieur” charmeur. De
battre mon cœur cessa, pour enchaîner avec une chamade des plus galopante. Je
suis, j’étais, je serais amoureuse de Lui et un bref instant je ne pensai même plus
à le sauter. Je marchais dans la Lumière. Je ne me reconnaissais plus, je baissais
ou alors… je grimpais vers une meilleure désincarnation. Il ne me laissa pas
le temps de m’analyser plus avant car il me balança un large sourire et un truc
parfaitement incompréhensible :
- Fallait aller vers l’hippocampe, Mélissa, voyons.
Je me mis à bégayer.
- L’hican ? L’hippo ? Lacan ? L’hippocampe ? Ppp… pourquoi ?
- C’était moi, je venais pour te ramener en douceur.
J’ai trouvé ça trop mignon et moi trop conne. Bien sûr, l’hippocampe était
un animal subtil qui n’avait rien à voir avec les jeux du cirque de Niki et
Cameron.
C’était d’une telle évidence que j’ai eu envie de tout plaquer là. Adios reporter
vedette, fin de récit, t’as même pas fait dix chapitres, t’es trop nulle. Tout
abandonner mais pas Lui ! Progressivement la vraie Mélissa revint sur l’avantscène.
Je mouillais déjà comme une vache suisse, c’est manière de dire. J’étais
amoureuse et, tout naturellement, mon corps suivait. Ça me posait un tas de
problèmes car mon nouveau mec avait fait l’objet de tellement de commentaires
que ça ne pouvait simplement pas être possible. Il avait fait couler des fleuves
d’encre et de sang. Mais il ne pouvait être mauvais, mon intuition féminine
me l’affirmait et on ne badine pas avec ça. En attendant que ces questions se
résolvent je l’ai observé préparer des nachos. Il malaxait les tortillas avec une
aisance suprême, les garnissant d’un fromage fondu qui dégageait une merveilleuse
odeur un peu fade mais tentante, je suis sûre que c’était du tilsit - faut être
Dieu pour trouver un bon fromage suisse en Amérique… - et surveillait du coin
75 Toute la poésie américaine réside dans ces quelques mots… NdAqssvnt
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