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dans Forêt-La-Noire l’arrogante quand vient la nuit ? En Espagne, avec son parfum<br />
unique et ses architectures magiques, dans ces décors anciens où quelque<br />
chose d‘essentiel peut apparaître ? Pourquoi parler de ce pays sans âme où tout<br />
est cheap ? Que faisions-nous de nos pentes de neige et de leur pureté, de nos<br />
grottes magnifiques dans lesquelles des arbres sont pétrifiés, tiens, par exemple,<br />
pourquoi rien, jamais, ne vient-il de cette petite île de montagne où le flux où<br />
le reflux des vagues tranquilles est venu bercer un rêveur, suppléant à toute autre<br />
attente ? <strong>Le</strong> murmure de l’eau fixe leurs sens et chasse toute agitation, qui<br />
pense à l’argent ? <strong>Le</strong> flux et reflux de cette eau, son bruit continu mais renflé par<br />
intervalles frappant sans relâche les oreilles et mes yeux, suppléent aux mouvements<br />
internes que la rêverie éteignait en moi et suffisent à me faire sentir avec<br />
plaisir mon existence, sans prendre la peine de penser. De temps à autre me vient<br />
quelque faible et courte réflexion sur l’éternité de la jouissance des choses et de<br />
ce que ce pays ne sait point en jouir ! Il m’est impossible de songer à cette beauté<br />
sans me sentir à chaque fois transporté encore par les élans du désir. J’ai remarqué<br />
dans les plaisirs de ma vie que les époques des plus douces jouissances et<br />
des plaisirs les plus fous sont celles dont le souvenir m’attire et me fait exister le<br />
mieux. Ces longs moments de délire et de passion, quelques vifs qu’ils puissent<br />
être ne sont pas que des points bien clairsemés dans la ligne de ma vie. Ils sont<br />
trop justes et trop vifs pour ne pas amplifier l’état de plaisir. Un état simple et<br />
permanent dont la durée accroît le charme au point d’y trouver enfin la suprême<br />
félicité. Tout est dans un flux continuel sur la terre. <strong>Le</strong> monde n’est que bransloire<br />
pérenne, je n’existe que par ceux que j’ai révélé au plaisir et d’eux rien ne<br />
garde une forme constante et arrêtée, et nos pulsions grandissent qui s’attachent<br />
aux choses extérieures croissent et changent nécessairement avec elles. C’est<br />
la soupe primordiale, c’est le croisement du monde, le flux et le reflux, je ne<br />
vis que pour ça ! Il y a là tout de solide à quoi le cœur se puisse attacher. Aussi<br />
n’a-t-on guère ici bas de plaisir sans mutation, je serai la clef magique de toutes<br />
les jouissances. Chaque sexe pourra véritablement nous dire : Je veux que cet<br />
instant dure toujours ; et comment ne pas nommer bonheur cet éclat fugitif qui<br />
nous laisse encore pleins de désir, qui nous fait attendre quelque chose avant, et<br />
désirer encore plus quelque chose après ? Et les nuages ? <strong>Le</strong>s tours orgueilleuses<br />
des nuages qui montent avec la chaleur, ces vents incroyables avant l’orage ?<br />
Même dans nos villes quand vient la première pluie l’odeur du sol mouillé est<br />
un poème et la mer s’en va avec l’astre réalisant l’éternité. <strong>Le</strong> monde est bourré<br />
de beauté, j’ai pu parler seule avec un grand chasseur des mers, il y partout des<br />
tableaux de nature incroyables et de quoi parlons-nous, que regardons-nous, un<br />
peuple de vachers et de bondieusards qui se sont donnés de l’importance, une<br />
clique de pouvoir pire que tout ce que notre humanité a pu connaître et en plus,<br />
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