Le 12ème Evangile - Margelle

- Tu seras ma femme, toi.
- Et je te préférerai, Mélissa.
La chose était dite, sans aucune transition il n’y eut plus de nuage ni de tourmente.
Quelque chose en moi avait repoussé ces forces. Les femmes ne fabriquent
pas de Dieux. Il ne nous resta que notre attente. Je me suis approchée de
lui.
- On le refait ?
- Oui.
- Et si c’était pire ?
- Impossible.
Le douzième évangile n’était pas vraiment long. En gros il s’agissait de savoir
si nous voulions redémarrer l’Univers et si nous pouvions le reformuler. C’était
tentant de laisser ce travail à un vieux Monsieur aux yeux bleus… J’étais certaine
qu’un cosmos dont le point de départ serait autre que les énergies masculines
et leur éternelle compétition serait différent et - je le dis avec mon immense
naïveté - meilleur. Peut-être serait-il moins complexe ? Peut-être se résumerait-il
à un monde refroidi trop vite et composé essentiellement de fer ? Il était moins
que certain que l’avatar Mélissa y soit présent. Quelle perte pour une éventuelle
humanité !
Mais j’avais porté en moi de tout temps une tendance vers la vie, vers
l’expansion. Je me suis dit que nous étions allés trop loin. Il n’y aurait pas de
retour. L’œuf, la chose, la tête d’épingle, le tout, les trillions de degrés, la masse
prête à exploser, le grand univers étaient là, proches de nous. Un œuf presque
calme, parcouru de lentes veinules rosées. Le Temps allait naître et ça se développerait
si vite qu’il n’y aurait plus d’histoires. Rien que celles à écrire. Il était
temps de dire le douzième évangile. Il se composait en tout et pour tout d’une
unique sentence et de deux clefs. Nous nous sommes tendrement enlacés. Le
lieu et la formule, c’était maintenant.
Je prononçai la sentence.
- Je dis que Dieu sera une femme.
- Ça me convient.
- Il n’y a plus que les deux clefs à libérer.
- Je le sais.
Il me pénétra entièrement. Nous fusionne âmes. Je me sentis enfin nécessaire,
harmonisée.
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