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Le 12ème Evangile - Margelle

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diriger l’Orchestre Philharmonique de Stuttgart, qu’il avait rencontré deux ans<br />

plus tôt dans des circonstances aventureuses.<br />

Je m’assurai que personne ne m’observait et tapotai un code personal tune up<br />

sur mon FT. C’était efficace. Je cessai aussitôt d’exister.<br />

J’ai regardé l’orchestre avec intensité. Cet ensemble de personnalités<br />

très diverses allait dans quelques instants se changer en machine<br />

à Genèse. Car c’est cela l’impression du chef quand il donne la<br />

première impulsion : un monde naît. C’est un sentiment démiurgique<br />

auquel il ne faut pas se laisser aller, on reste responsable de cette<br />

création. Il y a des partitions plus ou moins impressionnantes à cet<br />

égard mais très souvent c’est la naissance d’un univers qui se produit.<br />

Comment concilier la technique et la passion, maîtriser ses craintes,<br />

trouver le temps juste, toujours être en avant des musiciens et garder<br />

en mémoire le plan de travail qu’on a élaboré pour la répétition ?<br />

Impensable ! C’est ce que je m’apprête à faire. Pour gagner du<br />

temps, il me reste cinq minutes avant le début de la répétition, je<br />

vais donner quelques indications aux instrumentistes. Mon premier<br />

violon est un homme posé, cheveux gris, prestance, amabilité, c’est<br />

mon meilleur allié. Ici en Allemagne le KonzertMeister représente<br />

l’autorité de l’orchestre, face aux syndicats parfois. Il est respecté.<br />

Herr Bee, c’est son nom, est conservateur comme tous les musiciens<br />

d’archets. Mais il a désir de comprendre la partition et d’entraîner<br />

les autres avec lui. Un premier ministre bienveillant et talentueux.<br />

J’arrive de Genève avec une nouvelle œuvre, <strong>Le</strong>s profondeurs de<br />

la Terre. Je vois les musiciens parcourir les pages de leur matériel,<br />

soucieux de savoir s’ils vont y trouver des difficultés particulières.<br />

Il est temps, je monte sur le podium du chef, salue l’orchestre et<br />

entreprends la cérémonie préalable de l’accordage. C’est avec Boulez<br />

que j’ai pris l’habitude de ne pas laisser les orchestres s’accorder en<br />

vrac, ce qui est trop courant chez les Latins. <strong>Le</strong>s cordes doivent faire<br />

tranquillement leurs quintes, sur le “la” du hautbois. Je laisse les<br />

bois s’accorder, puis les cuivres et enfin les cordes, par groupes. Ils<br />

se sentent beaucoup plus à l’aise ainsi mais à Genève j’ai eu les pires<br />

difficultés à imposer cette manière de faire, face à des individualistes<br />

ou simplement à quelques meneurs grossiers. Maintenant c’est bien,<br />

le temps est venu, je ne peux plus reculer, je lève le bras et les archets<br />

se préparent, j’aime voir cette forêt de bois apparaître, chacun est<br />

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