Lacan - La loi, le sujet et la jouissance
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qu'il faut une <strong>loi</strong> pour l'interdire, <strong>et</strong> c<strong>et</strong> interdit<br />
<strong>la</strong> permanence de <strong>la</strong> menace. Le lien social<br />
<strong>le</strong> nœud du pacte des frères, c'est l'interdit<br />
par <strong>le</strong>quel ils se privent mutuel<strong>le</strong>ment d'une<br />
<strong>jouissance</strong> enviab<strong>le</strong>.<br />
Ainsi, <strong>le</strong> droit, pour Freud, s'efforce de limiter <strong>la</strong><br />
tendance humaine à <strong>la</strong> <strong>jouissance</strong> par l'intermédiaire<br />
d'un pacte de non-agression. <strong>La</strong> <strong>loi</strong> impose aux<br />
frères des contraintes qui <strong>le</strong>s obligent à renoncer à <strong>la</strong><br />
<strong>jouissance</strong> féroce du père primitif, <strong>et</strong> qui, par là,<br />
structure <strong>le</strong>ur désir. Le procès, qui se tiendra chaque<br />
fois qu'aura été franchi c<strong>et</strong> interdit, sera conçu<br />
comme une mise en scène répétée du pacte : <strong>le</strong>s<br />
frères se réunissent à nouveau, jugent <strong>et</strong> condamnent<br />
c<strong>et</strong> acte qui rappel<strong>le</strong> l'acte premier. Comme au<br />
théâtre, comme dans l'épopée, dans <strong>la</strong> tragédie ou<br />
dans <strong>le</strong> roman, <strong>la</strong> participation du public au spectac<strong>le</strong><br />
du procès s'opère par identification : chacun<br />
sera ému par une scène qui lui rappel<strong>le</strong> qu'au cœur<br />
de son être de <strong>suj<strong>et</strong></strong>, il est coupab<strong>le</strong> de crime. <strong>La</strong><br />
beauté féroce du criminel est troub<strong>la</strong>nte, comme est<br />
fascinant <strong>le</strong> récit de son acte dont <strong>le</strong> médecin légiste<br />
est devenu <strong>le</strong> scribe moderne. <strong>La</strong> <strong>jouissance</strong> du<br />
crime, qui se déchaîne hors <strong>la</strong>ngage dans l'acte, doit<br />
être infiniment racontée pour que chacun puisse<br />
approcher c<strong>et</strong>te chose au fond de lui-même <strong>et</strong> en<br />
même temps s'en détourner, apaisé par <strong>la</strong> catharsis 2.<br />
L'espace scénique du procès procure un p<strong>la</strong>isir rassurant<br />
tant il conduit chacun jusqu'au bord d'une <strong>jouissance</strong><br />
entrevue mais en en faisant payer <strong>le</strong> prix au<br />
criminel, c'est-à-dire à chacun ... mais par procuration.<br />
2. Ce qui est sans mot s'ordonne ainsi selon un travail<br />
de <strong>la</strong> fiction, qui fabrique <strong>le</strong> criminel comme personnage.<br />
Cf F. Chaumon, «Le pédophi<strong>le</strong>, notre frère JO, dans Marcel<strong>la</strong><br />
Pa<strong>la</strong>cios (dir.), Enfants, sexe innocent ? - Soupçons <strong>et</strong> tabous,<br />
Autrement, janvier 2005.<br />
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