22.05.2019 Views

CONSTRUIRE BRUXELLES Architectures et espaces urbains

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

ZURICH<br />

Il y a quelques années à peine, les rives de<br />

la Limmat, à Zurich, étaient peu fréquentables.<br />

Une zone difficile, laissée à l’abandon,<br />

transformée au fil des ans en haut<br />

lieu de la drogue. « Lorsque vous arriviez<br />

à Zurich en voiture, vous deviez longer<br />

c<strong>et</strong> endroit, décrivent Cornelia Mattiello-<br />

Schwaller <strong>et</strong> Frank Schneider, du bureau<br />

d’architecture suisse Phalt. La première<br />

chose que vous voyiez, c’était la toxicomanie.<br />

C’était le plus grand lieu dédié à la<br />

drogue de toute l’Europe. Les autorités ont<br />

voulu changer ça. »<br />

Dans le courant des années 1980, la<br />

ville décide de déloger les toxicomanes.<br />

Elle m<strong>et</strong> en place un important programme<br />

social, basé sur trois axes : répression,<br />

prévention, intégration. Une métamorphose<br />

qui s’appuie également sur une<br />

transformation urbanistique <strong>et</strong> architecturale<br />

de la zone. L’idée de créer un grand<br />

centre culturel est avancée. « Les émeutes<br />

de jeunes en 1980 furent le point de départ<br />

de ce proj<strong>et</strong>, raconte Daniel Hilfiker, directeur<br />

de l’atelier Dynamo. Des émeutes<br />

très violentes, qui ont coûté cher à la ville.<br />

Les jeunes réclamaient un centre culturel<br />

alternatif <strong>et</strong> autonome. » Suite à ces événements,<br />

Zurich tente d’accorder aux jeunes<br />

ce qu’ils réclament <strong>et</strong> m<strong>et</strong> à leur disposition<br />

deux endroits. D’abord une ancienne<br />

usine désaffectée, qui ne tarde pas à attirer<br />

de nouveau les drogués. Puis, en 1984, un<br />

autre bâtiment, saccagé <strong>et</strong> fermé après<br />

seulement deux jours. Progressivement,<br />

les responsables politiques comprennent<br />

que la jeunesse réclame autre chose : un<br />

endroit dédié à « leur » culture, où ils pourraient<br />

s’adonner à des activités créatives.<br />

Le Jugendkulturhaus Dynamo est<br />

alors créé : un centre culturel proposant<br />

une large pal<strong>et</strong>te d’activités (cours<br />

de danse, de théâtre, de yoga, concerts,<br />

restaurant, bar…). « Ce proj<strong>et</strong> a été conçu<br />

pour éviter que les ados ne traînent dans<br />

les rues à ne rien faire, qu’ils ne sèment la<br />

pagaille ! », précise Daniel Hilfiker.<br />

Mais l’endroit manque de cohérence.<br />

« Tout était désordonné. Beaucoup de bâtiments<br />

avaient été construits illégalement<br />

autour de c<strong>et</strong>te zone. On ne savait pas<br />

s’il s’agissait ou non d’un espace public, »<br />

raconte Cornelia Mattiello-Schwaller.<br />

Dans le courant des années 2000, la ville<br />

entame d’importants travaux d’égouttage<br />

au bord de la rivière, à proximité du centre<br />

culturel Dynamo. Les autorités saisissent<br />

c<strong>et</strong>te opportunité pour entreprendre une<br />

reconfiguration complète de l’espace<br />

public, centrée autour d’un nouveau bâtiment<br />

: un atelier de soudure.<br />

Le chantier débute en 2006. Le proj<strong>et</strong><br />

est attribué à un jeune bureau suisse,<br />

Phalt, fondé par trois architectes, Cornelia<br />

Mattiello-Schwaller, Frank Schneider <strong>et</strong><br />

Mike Mattiello. « C’était le premier bâtiment<br />

que nous construisions, expliquentils.<br />

La ville s’intéresse aux jeunes bureaux<br />

comme le nôtre. Elle aime leur confier de<br />

p<strong>et</strong>its proj<strong>et</strong>s. » Plutôt que de tout détruire,<br />

les architectes choisissent de conserver<br />

certains édifices existants <strong>et</strong> de les restructurer<br />

autour d’un seul nouveau bâtiment,<br />

l’atelier de soudure, qui allait redéfinir<br />

c<strong>et</strong>te étendue. « Nous trouvions cela important<br />

de n’implanter qu’une seule nouvelle<br />

construction sur c<strong>et</strong>te zone. » Ils optent<br />

pour un ouvrage en forme de champignon :<br />

un pavillon en acier surmonté d’une large<br />

toiture, débordante sur l’espace public.<br />

« Nous voulions une construction qui ne<br />

soit pas uniquement orientée vers la rivière<br />

ou vers un seul endroit du site. C<strong>et</strong>te forme<br />

en champignon perm<strong>et</strong>tait de requalifier<br />

l’espace public sans tourner le dos aux bâtiments<br />

environnants. »<br />

Aujourd’hui, c<strong>et</strong> atelier est ouvert à<br />

tous les jeunes. Ils peuvent venir y réaliser<br />

des proj<strong>et</strong>s, apprendre à utiliser les outils<br />

<strong>et</strong> les machines, recevoir des conseils de la<br />

part d’un instructeur. L’atelier de soudure<br />

a donné une nouvelle visibilité aux autres<br />

activités du centre culturel. Les bars, les<br />

concerts, les différents cours dispensés<br />

en sont ressortis revalorisés. « La zone est<br />

devenue un espace vivant, multifonctionnel,<br />

support d’échanges multiples, poursuit<br />

Daniel Hilfiker. Le symbole de la culture<br />

alternative. C’est important que les jeunes<br />

développent leurs idées, qu’ils possèdent<br />

un endroit à eux, où ils peuvent réaliser<br />

leurs proj<strong>et</strong>s. Un endroit où ils peuvent se<br />

sentir dans “leur” propre ville. »<br />

La réalisation du bureau Phalt est<br />

devenue la carte de visite des lieux, la<br />

première chose que l’on aperçoit lorsqu’on<br />

rejoint les bords de la Limmat. Mais<br />

l’atelier Dynamo n’est qu’une p<strong>et</strong>ite pièce<br />

du puzzle. « Si les lieux se sont transformés,<br />

ce n’est pas seulement grâce au centre,<br />

décrivent les architectes. Le restaurant,<br />

les bars, le cinéma en plein air… Tous<br />

ces éléments ont contribué au changement.<br />

Il ne s’agit pas seulement d’un proj<strong>et</strong><br />

unique, mais plutôt d’une série de rénovations<br />

le long de la rivière. Toute la rive<br />

a été profondément transformée. » En une<br />

dizaine d’années, l’endroit s’est débarrassé<br />

de sa piètre réputation, devenant un<br />

lieu branché, pour beaucoup de jeunes<br />

zurichois, mais aussi pour les familles<br />

<strong>et</strong> leurs enfants, qui ont repris plaisir<br />

à se promener sur les bords de la Limmat.<br />

En été, des bandes d’amis viennent se<br />

détendre <strong>et</strong> plonger dans la rivière.<br />

Pour Daniel Hilfiker « Dynamo est un<br />

réel succès. C’est devenu le plus grand<br />

centre culturel de Suisse. Près de 250 000<br />

personnes le fréquentent chaque année,<br />

que ce soit pour les ateliers, les concerts,<br />

le restaurant… Le nombre de visiteurs<br />

a augmenté de 100 %. Il était temps de<br />

transformer c<strong>et</strong> endroit démodé des années<br />

1990 en un lieu ouvert <strong>et</strong> contemporain.<br />

Ce n’est plus une zone de restrictions. C’est<br />

désormais une zone de fantaisie. »<br />

L’atelier de soudure a<br />

donné une nouvelle visibilité<br />

aux autres activités<br />

du centre culturel. La zone<br />

est devenue un espace<br />

vivant, multifonctionnel,<br />

support d’échanges<br />

multiples.<br />

186

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!