22.05.2019 Views

CONSTRUIRE BRUXELLES Architectures et espaces urbains

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

uxelles<br />

ENTRETIEN avec<br />

PIERRE BLONDEL<br />

PROFESSION<br />

Architecte<br />

AGENCE<br />

Pierre Blondel Architecte,<br />

Bruxelles (Belgique)<br />

RÉALISATIONS<br />

Logements sociaux Site des<br />

Forges (Liège, Belgique), Léopold<br />

Village (Bruxelles, Belgique),<br />

complexe sportif <strong>et</strong> maison de<br />

quartier Heyvaert (Bruxelles,<br />

Belgique), passerelle sur l’avenue<br />

de Tervuren (Bruxelles, Belgique),<br />

salle de sport Rempart<br />

(Bruxelles, Belgique)<br />

ACTIVITÉS PÉDAGOGIQUES<br />

Enseigne à La Faculté<br />

d’architecture de La Cambre<br />

Horta, Université libre de<br />

Bruxelles (Belgique)<br />

« Il y a toujours eu, à Bruxelles, une<br />

volonté de faire du logement social, <strong>et</strong><br />

de bien le faire. » L’architecte Pierre<br />

Blondel est actif depuis de nombreuses<br />

années dans la construction de<br />

loge ments sociaux à Bruxelles. La ville<br />

fait actuellement face à un manque<br />

considé rable d’habitations de ce type.<br />

« 50 % des Bruxellois ont des revenus<br />

suffisam ment bas pour prétendre<br />

accéder à un logement social. »<br />

Quelles sont les caractéristiques démographiques<br />

de Bruxelles ?<br />

Pierre Blondel Comme dans bon nombre<br />

de villes européennes, la popula tion<br />

bruxelloise est constituée d’un socle<br />

d’habitants originaires du pays <strong>et</strong> d’habitants<br />

issus de l’immigration. Celle-ci a<br />

débuté il y a plusieurs centaines d’années,<br />

d’abord par l’arrivée de populations rurales.<br />

On peut ensuite discerner plusieurs<br />

« vagues » : les Espagnols, les Portugais, les<br />

Marocains, les Turcs, les Congolais durant<br />

ces trente dernières années puis, plus<br />

récemment, les Pakistanais.<br />

Comment se manifeste c<strong>et</strong>te<br />

immigration dans la lecture du<br />

territoire <strong>et</strong> est-elle à l'origine<br />

d'un clivage social particulier ?<br />

PB La population immigrée s’est toujours<br />

localisée dans les quartiers ouest de la<br />

ville, traversés par le canal, autour duquel<br />

se sont installées les industries, puis<br />

des logements pauvres <strong>et</strong> ouvriers. Il y a<br />

cinquante ans, l’industrie a commencé<br />

à quitter la ville, libérant des territoires.<br />

C<strong>et</strong> effritement du tissu industriel correspond<br />

à l’arrivée d’une immigration, qui ne<br />

vient plus pour travailler dans les usines,<br />

puisque celles-ci ont disparu, mais parce<br />

qu’elle est attirée par la ville. Elle s’installe<br />

dans les endroits les moins chers, <strong>et</strong> donc<br />

les plus défavorisés. Cela a formé c<strong>et</strong>te zone<br />

que l’on appelle le « croissant pauvre ».<br />

28<br />

L’arrivée de c<strong>et</strong>te population immigrée<br />

à Bruxelles est à l’origine d’une croissance<br />

démographique importante dans<br />

une ville qui, parallèlement, fait pourtant<br />

face à un exode urbain signifiant.<br />

Comment expliquez-vous ce paradoxe ?<br />

PB C’est en eff<strong>et</strong> un paradoxe. Mais les<br />

chiffres de la croissance démographique<br />

sont très récents. Il y a deux ou trois<br />

ans à peine que l’on évoque ces questions<br />

démographiques. Avant, on affirmait<br />

encore que Bruxelles était en perte d’habitants<br />

<strong>et</strong> que le pic de population maximal<br />

avait été atteint vingt ans auparavant.<br />

Concernant l’exode urbain, il est important<br />

d’identifier c<strong>et</strong>te population qui quitte<br />

la ville <strong>et</strong> les raisons qui la motivent. Que<br />

lui manque-t-il ? Que va-t-elle chercher à<br />

l’extérieur ? Je pense qu’une partie s’en<br />

va car les terrains sont devenus trop chers.<br />

Depuis deux ans, le prix du foncier a totalement<br />

explosé. Ces personnes qui ne<br />

peuvent pas se perm<strong>et</strong>tre de bâtir, ou<br />

qui ne peuvent simplement pas se loger,<br />

emménagent hors du centre, <strong>et</strong> parfois<br />

même très loin, car la périphérie, en<br />

certains endroits, est également devenue<br />

très chère.<br />

La construction de logements sociaux<br />

en grand nombre apparaît donc<br />

aujourd’hui comme un enjeu majeur.<br />

Existe-t-il une tradition du logement<br />

social à Bruxelles ?<br />

PB Il y a toujours eu, à Bruxelles, une<br />

volonté de faire du logement social, <strong>et</strong> de<br />

bien le faire. Par exemple, la cité Hellemans,<br />

située dans les Marolles <strong>et</strong> datant de 1903,<br />

est extraordinairement moderne en termes<br />

de qualité architecturale. Puis il y a eu les<br />

cités-jardins, la Cité moderne <strong>et</strong> la Cité<br />

modèle… Ce sont des modèles vraiment<br />

intéressants <strong>et</strong> importants au niveau du<br />

logement social. Chaque époque a donc eu<br />

ses moments forts <strong>et</strong> ses investissements.<br />

Dès les années 1970, <strong>et</strong> jusque dans les<br />

années 1990, la production de logements<br />

sociaux a terriblement baissé. Elle est<br />

descendue en flèche, notamment pour des<br />

raisons économiques. À partir d’une<br />

certaine période, les locataires sociaux<br />

n’étaient plus des travailleurs mais bien<br />

des personnes sans emplois, présentant<br />

des revenus très bas. Par conséquent,<br />

les montants des loyers (proportionnels<br />

aux revenus) avaient eux aussi beaucoup<br />

diminué. Les sociétés de logement<br />

social ne pouvaient dès lors plus se<br />

perm<strong>et</strong>tre de rembourser l’argent qu’elles<br />

avaient emprunté pour la construction<br />

d’immeu bles, elles n’en construisaient<br />

donc plus. Aujourd’hui, le déficit en<br />

logements sociaux est gigantesque : 50 %<br />

des Bruxellois ont des revenus suffisamment<br />

bas pour prétendre accéder à<br />

un logement social. Or seuls 8,4 % du parc<br />

de logements en Région de Bruxelles-<br />

Capitale est constitué de logements sociaux.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!