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nos jours. Elle était dédiée à son ami Du Périer, gentilhomme provençal, que nous retrouverons dans
les Passa-tens.
Deux thèmes et deux tons y alternent: la satire vengeresse des juges et des geôliers, la plutonimo gent,
et la complainte pitoyable sur le triste sort de leurs victimes, rapacité des uns, calamités des autres. La
pièce a des défaut, — des longueurs surtout, — de la déclamation facile, des banalités, la matière ayant
été déjà traitée avant lui. De plus, négligences de langue et de style, phrases boiteuses, syntaxe fautive,
vocabulaire imprégné de gallicismes.
Mais dans le détail il y a des inventions inattendues ou amusantes, des croquis pittoresques, aussi de la
verve et de l'esprit. Au total, le poème n’est pas indigne de figurer dans une lignée qui va de l’Avocat
Patelin aux Plaideurs, et aux Mémoires de Beaumarchais, littérature protestataire contre le monde du
Palais, ses suppôts, et leurs clients.
I
LA JUSTICE EN DEUX ALLÉGORIES
Au tems passat que justicy regnavo
Et que lou drech pertout si balansavo
Lou populas ensemble vivié ben:
Non vesien tant de pichottos fresquettos (1
Ny de bonnets à las quatre brayettos (2
Coum' à present à plen fons nous vesen.
En aquel tens justicy fon pintado (3
En femellan, bravament assetado,
Lous hueils tapas d'un linge per bendeou,
Tenent en man l'espazo justiciero
Et la balanso à l’autro senequiero
Qu'eron, au pez, coum'un juste niveou (4.
Lous hueils tapas, aquo significavo
Que, n'y vesent, ello non respetavo
A mettre bas la gent farcit de maux (5,
Son coutelas n'ero ren ypocrito
My may trempat au suc de calamito (6
A tirar l'or, per bastir das oustaux.
1. Mot rare, que Mistral traduit par freluquet: à rattacher peut-être à frisque, répandu au XVIme siècle,
qui signifie: vif, sémillant.
2. Nom d'un bonnet carré porté par les prêtres et les gens de robe.
3. Image traditionnelle de la Justice, dans les beaux-arts, sauf le bandeau sur les yeux, qu’on voit
figuré rarement.
4. Expression gauche pour marquer que les deux plateaux sont en équilibre.
5. Traduire: elle, n'était pas arrêtée par le respect, pour abaisser ceux qui avaient beaucoup de méfaits à
leur actif.
6. Ancien nom de la pierre d'aimant; — le mot désigne d'autre part une sorte de résine, et Bellaud joue
sur ce second sens dans son expression suc de calamito.
Non per pesar marchandiso latino!
Ni lou thrésor que tiron d'uno mino,
Justicy en man balansos non tenié,
Mai soulament ero per far entendre
Que, coumo faut lou pez à cascun rendre
Aussi lou drech à tous rendre fallîé.
Mai tout encin, qu'uno aigo que degouto